Alpine au Mans 1965-1966

Réédition partielle de la collection Alpine Renault  - Construisez l’Alpine A110 1600S Berlinette

DÉBUTS EN ENDURANCE

Alpine commence son épopée en endurance sur le mythique circuit des 24 Heures du Mans. Un petit constructeur qui va devenir grand.

Que l’on demande à la plupart des amateurs si Alpine a déjà gagné les 24 Heures du Mans, on s’entend répondre invariablement que la marque de Dieppe s’y est illustrée dans les années 1970. C’est en effet à cette époque, en 1978, que l’A442B pilotée par Jean-Pierre Jaussaud et Didier Pironi décroche la victoire au classement général. Mais peu se souviennent que l’aventure d’Alpine débute au Mans dès 1963, et que les premières victoires remontent à cette décennie. 

L’A210 de Cheinisse/ De Lageneste va remporter la victoire à l’indice de performance énergétique en 1966. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Archives et Collections

A l’époque, les informations n’étaient diffusées en France que par deux chaînes de télévision (en noir et blanc), quatre de radio (en grandes ondes), et par les journaux. Pour que la plus grande épreuve d’endurance automobile du monde, créée par Charles Faroux en 1923, ait encore plus d’attrait, les organisateurs ont eu l’idée de créer plusieurs classements distincts.

La M65 de Mauro Bianchi et Henri Grandsire n’effectuera que 32 tours en 1965 avant que la boîte ne rende l’âme. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Renault D.R. / Archives et Collections 

Les débuts

L’aventure d’Alpine aux 24 Heures du Mans commencedonc en 1963. Il faut se souvenir qu’à l’époque, le gouvernement Pompidou cherche à redorer le blason du sport automobile français. Des subventions sont ainsi accordées et Rédélé saisit l’occasion pour aborder le circuit, alors qu’Alpine commence à se faire un nom en rallyes routiers. Si le but reste bien la victoire, le succès au scratch n’est même pas envisagé en raison de la faible cylindrée de ses moteurs. Les trois voitures alignées disposent en effet du 1,0 litre Gordini incapable de rivaliser en puissance pure avec les Ferrari 3,0 et 4,0 litres, AC Cobra 4,7 litres et autres Jaguar 3,8 litres. Alors qu’une Aérojet René Bonnet à moteur Gordini 1,1 litre termine à une somptueuse onzième place, les M63 se retirent assez rapidement de la course. Cette première se révélera malgré tout riche en enseignements, pour une course où le hasard n’a que peu de place. Jean Rédélé y déplorera toutefois le décès du pilote Christian Heins, importateur d’Alpine au Brésil.

Grandsire et Cella termineront, avec leur A210 de 1 300 cm3, à une exceptionnelle neuvième place au scratch en 1966. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Renault D.R. / Archives et Collections

1965 : la débâcle

La victoire de classe (1 100 cm3) et à l’indice énergétique, en 1964, de Roger De Lageneste et l’Irlandais Henry Morrogh laisse plein d’espoir pour cette 32e édition des 24 Heures du Mans. Pas moins de six Alpine sont engagées en 1965 au Mans : deux M64 de 1 149 cm3 (n° 50 Vidal/Revson et n° 51 Masson/Verrier), une M64 de 1 108 cm3 (n° 55 Cheinisse/Hanrioud), deux M65 de 1 296 cm3 (n° 46 Bianchi/Grandsire et n° 47 De Lageneste/Vinatier) et une M63B de 1 001 cm3 à châssis tubulaire (n° 61 Monneret/Bouharde). Trois sont inscrites en catégorie Protos, tandis que Cheinisse/Hanrioud s’alignent en GT avec la « Sauterelle », un châssis de GT4 sur lequel est montée une caisse de M64. Rédélé a mis le paquet et se sent confiant pour ramener le titre qui lui tient le plus à cœur : un nouveau succès à l’indice énergétique, a priori favorable aux petites cylindrées. Mais la n° 46 n’effectuera que 32 tours avant que la boîte ne rende l’âme, durant la troisième heure, puis viendront les abandons successifs des n° 50 (moteur), n° 51 (refroidissement), n° 61 (allumage), n° 55 (embrayage) et n° 47 (distribution). Une véritable bérézina qui va pousser les « M » vers la sortie, d’autant plus que la M64 s’avère moins rapide et moins stable que la M63. L’A110 commence à se faire un petit nom en rallyes ? Eh bien, elle aura une grande sœur pour aller tâter le bitume du Mans ! Naturellement, elle s’appellera A210.

Aucune Alpine à l’arrivée en 1965. Les « M » (63, 64 et 65) seront ensuite définitivement abandonnées au profit de l’A210. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo ©   Archives et Collections

1966 : l’affûtage...

L’année 1966 est remarquable sur plusieurs points au Mans. D’abord, la course elle-même est très monotone : s’y installe très tôt une domination écrasante de Ford face à son rival Ferrari. De suspense il n’y a point, et on note l’hécatombe : sur 55 voitures au départ, seules 15 se retrouvent à l’arrivée. Parmi elles, quatre Françaises seulement, et ce sont des Alpine !

La nouvelle A210 est une évolution de la M65 qui conserve son châssis-poutre et sa cage tubulaire. La suspension a été modifiée, les roues arrière carénées pour gagner en aérodynamisme, deux prises d’air ont été ajoutées sur les ailes à la base du pare-brise, le moteur de 1 292 cm3 a été légèrement dégonflé pour tenir la distance et abaisser la consommation, et surtout la boîte Hewland, cause de tant de soucis l’année précédente, est remplacée par un modèle Porsche. 

Six A210 sont sur la grille de départ, mais seule la n° 55 de Hanrioud/De Cortanze est équipée du 1 005 cm3 Gordini (duquel est extrapolé le 1 300), toujours pour essayer de décrocher la victoire à l’indice énergétique. Malgré cette armada et l’expérience accumulée depuis 1963, l’angoisse est de mise au baisser du drapeau tricolore.

... et le jackpot !

D’après Henri Grandsire, pilote pour Alpine de 1964 à 1969, Jean Rédélé était plein de sollicitude pour ses pilotes. Il ne leur donnait aucune instruction d’équipe, et chacun décidait de sa tactique de course. L’ambiance familiale qui règne dans les stands n’empêche pourtant pas une grande fébrilité. Aux essais, Mauro Bianchi a effectué un tour à 201 km/h de moyenne, avec des pointes à plus de 270 km/h ! C’est la toute première fois qu’une voiture de 1 300 cm3 dépasse le cap fatidique des 200 km/h de moyenne au tour. Le travail sur l’aérodynamisme a bien payé. Rapidement, les abandons se succèdent sur la piste, et les petites cylindrées ne sont pas épargnées. Peu avant la mi-course, la pompe à eau de la n° 55 rend l’âme : c’est l’abandon. À la 18e heure, la boîte de vitesse de la n° 47 (Toivonen/Jansson) lâche. On commence sérieusement à s’inquiéter dans les stands Alpine, et on redouble de vigilance, écoutant chaque passage devant les tribunes. Mais alors que les rangs se déciment chez les adversaires, les quatre A210 restent en piste et tournent plutôt bien. À trois heures, le dimanche 19 juin 1966, c’est l’explosion de joie pour Rédélé et toute son équipe, y compris Amédée Gordini naturellement présent. 

Henri Grandsire et Leo Cella terminent à une exceptionnelle neuvième place au classement général, un tour devant la Ferrari 275 GTB à moteur V12 3,3 litres de l’écurie Francorchamps. Juste derrière, tir groupé des Alpine n° 44 (Cheinisse/De Lageneste), n° 45 (Verrier/Bouharde) et n° 46 (Bianchi/Vinatier). Grandsire remporte au passage la victoire en catégorie 1 150-1 300 cm3, et surtout le classement à l’indice énergétique est monopolisé par Alpine qui termine aux 1re, 2e, 3e, et 5e places ! 

La voiture gagnante de Cheinisse/De Lageneste aura consommé 14,8 litres aux 100 km, pour une vitesse moyenne de 171,8 km/h sur 24 heures. Une performance, lorsque l’on connaît le tracé du Mans. L’accélérateur est à fond une bonne partie du circuit, et la longue ligne droite des Hunaudières (presque 6 kilomètres) est un véritable gouffre à carburant. Les retombées pour Alpine sont énormes, et les ventes de la Berlinette vont décoller à partir de ce moment.

Pour aller plus loin...

Renault 5 GT Turbo, un peu d’histoire

Dans la tradition des R5 sportives, la R5 GT Turbo fabriquée par Alpine est un jalon important : une voiture facile à vivre et pleine de vitalité. Les années 1970 sont celles des premiers dérivés sportifs des petites voitures populaires. Il y eut les 4 CV etles R8 Gordini, mais il s’agissait soit de « compétition-client » fabriquées en petits nombres soit d’authentiques sportives. L’ère des « GTI » concerne au contraire des voitures au caractère affirmé et aux performances redoutables qui savent rester confortables et familiales.

Cette époque est symbolisée par la Volkswagen Golf GTI en 1976, mais on oublie que la R5 Alpine et ses presque 100 ch date de la même année, et qu’elle a été suivie en 1982 par les 110 ch de la R5 Alpine Turbo.

En 1984 arrive la seconde génération de R5 que tout le monde connaît sous le nom de Supercinq. Et la version sportive sortie l’année suivante se nomme… R5 GT Turbo, tout simplement ! 

La R5 GT Turbo de 1985 ; à l'époque, les liserés rouges connotaient les versions sportives des autos de grandes séries..© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo ©   Renault D.R. / Archives et Collections

Une technique bien rodée

Dès 1985, pas moins de dix versions de la nouvelle R5 sont proposées. La dixième étant la GT Turbo. Héritière de la lignée des R5 Alpine, la GT Turbo l’est surtout par le cœur : elle n’a pas plus à voir avec elles que la Supercinq de base avec une R5 première génération. Elle reprend des éléments de la R11 Turbo, commercialisée l’année précédente : son architecture générale, la plateforme (base du châssis) et le moteur en position transversale. Ce moteur est une des multiples déclinaisons du « Cléon fonte » de la R8 Major, plus proche de celle de la R11 Turbo que de celle qui a équipé feue la R5 Alpine Turbo. Malgré tout, les différences sont sensibles à la conduite, le caractère de la Supercinq étant plus prononcé. On l’a dit même caractérielle, comme peut l’être un moteur turbocompressé. Elle est aussi plus sportive, surtout du fait d’une pression d’utilisation supérieure (0,7 bars contre 0,63). Avec sa puissance de 115 ch, ce moteur est presque à la hauteur de celui de la Golf GTI, la référence en la matière. 

Intérieur du modèle 1988 : l'instrumentation est assez complète mais l'impression générale est austère malgré le volant à trois branches. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo ©  Renault D.R. / Archives et Collections

Côté sport

La R5 GT Turbo reste indissociable de son pilote officiel, le Français Alain Oreille qui, dès 1989, devient Champion du Monde des Rallyes en groupe N, celui réservé aux voitures de série : excellent pour la Régie qui, au départ, ne visait que le Championnat de France ! La GT Turbo récidive l’année suivante, toujours avec Oreille, tandis que Jean Ragnotti remporte le titre de Champion de France ! Une multitude de victoires suivra, une série gagnante qui aurait sans doute continué si Renault avait persévéré avec la R5 GT Turbo. 

La plus éclatante victoire de la R5 est sans doute celle obtenue en 1989 au Rallye de Côte d’Ivoire : en groupe N bien sûr, mais également au scratch, au nez et à la barbe de tous les prototypes !

Pour célébrer ces victoires, Renault commercialise en 1989 et 1990 une série limitée à 2 000 exemplaires, une R5 GT Turbo « Oreille ». Moins célèbre assurément que la Golf GTI ou que la 205 GTI, la R5 GT Turbo se battait avec d’autres armes que celles-ci tout en restant un adversaire crédible tant sur la route qu’en compétition.

Au Tour de Corse 1988, Alain Oreille enlève le Groupe N avec sa R5 GT Turbo.© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Renault D.R. / Archives et Collections

La Supercinq 

Lorsqu’il s’agit de réfléchir à une future remplaçante de la R5, dans la deuxième moitié des années 1970, la question n’est pas anodine car la petite citadine représente environ le tiers des ventes de Renault. Un échec serait catastrophique. L’avenir de la marque est en jeu. L’un des points forts de la R5 est d’être très sympathique à toutes les couches de la population. En 1984, le crayon de Marcello Gandini aboutit au résultat souhaité : la nouvelle R5, dont le nom officieux de Supercinq va vite être adopté, reste en apparence très semblable à son aînée dont elle conserve le capital sympathie. Pourtant, tout est nouveau : la plateforme qui provient de la R9, le moteur en position transversale… Pendant douze ans, la Supercinq fait les beaux jours de Renault, au point qu’elle restera en place encore six ans après l’apparition de sa remplaçante la Clio, en 1990.

La supercinq, une R5 relookée qui garde son caractère populaire et sympathique auprès d’un large public. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo ©  Renault D.R. / Archives et Collections

La GT4 en course

En 1965, une GT4 s’aligne aux 24 Heures du Mans. C’est la M64GT, puisque son châssis a reçu la carrosserie des protos M64. Cette voiture a été construite pour être aussi à l’aise sur circuits qu’en rallyes. Pensée par Bernard Boyer, c’est Chappe & Gessalin, bien sûr, qui vont en assembler la carrosserie, et le châssis n° 5146 sera équipé à Dieppe d’un moteur de 1 108 cm3. Rapidement surnommée « la Sauterelle », la M64GT abandonne au Mans. On la retrouve 15 jours plus tard aux 12 Heures de Reims. En octobre, aux Coupes du Salon de Montlhéry, elle remporte la catégorie GT. On ne la reverra qu’en février 1967 au rallye des Routes du Nord. La Sauterelle est alors motorisée par le 1 296 cm3 et reçoit des jantes Lotus en magnésium. Elle est engagée au Rallye de l’Ouest en mars 1967, et revient un mois plus tard au Mans pour les essais préliminaires des 24 Heures. Elle finira sa carrière à la Targa Florio, en mai 1967, en raison d’une rupture de direction. Après cela, elle ne sera plus jamais utilisée en compétition officielle.

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