Alpine : reine de la montagne ?

Réédition partielle de la collection Alpine Renault  - Construisez l’Alpine A110 1600S Berlinette

LA COURSE DE CÔTE

Célébrissimes en rallyes, les Alpine se sont également bien comportées dans une discipline proche, celle des courses de côte, dont la très célèbre course du Mont Ventoux.

Avec un nom pareil, on pourrait croire que les Alpine de Jean Rédélé sont les reines des pentes ! Pourtant, elles sont infiniment moins connues dans le Championnat de France de la Montagne (celui des courses de côte) qu’en rallyes... «La côte» comme on l’appelle dans le jargon automobile permet aux pilotes de parfaire leur conduite rapide, très rapide sur des parcours sinueux où s’enchaînent virages serrés et lacets.

En 1969, l’Alpine est installée dans le paysage des courses de côtes comme en rallye. Ici lors de la Coupe des Alpes. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Archives et Collections

L e Championnat de France de la Montagne est né en 1967 : il est ainsi très contemporain de la Berlinette A110. Pour autant, des courses de côte existaient bien sûr avant la naissance de ce championnat. La première recensée a été organisée près de Nice dès 1897 !

Il faut souligner le caractère particulièrement festif des courses de côte : de par leur situation, souvent dans des cadres naturels attrayants, mais aussi en raison du brassage des genres qu’elles impliquent. On y trouve ainsi traditionnellement mélangées autos et motos – c’est l’une des rares occasions de voir courir ensemble ces deux spécialités – et parmi les autos des bolides bien différents, allant des grosses monoplaces  (on y a même vu des Formule 1 dans le passé) aux sportives de tourisme à peine préparées.

Les courses les plus célèbres sont à l’époque celles du Mont Ventoux, non loin d’Avignon, de Limonest, près de Lyon, ou encore du Col de la Faucille, près de la frontière suisse.

Aucune Alpine n’a jamais été championne scratch de la saison depuis la création du championnat en 1967, ce qui est tout à fait normal puisque les voitures des vainqueurs sont plutôt des monoplaces très puissantes, la palme revenant aux Martini, le plus souvent à moteur BMW, qui ont emporté le championnat 20 fois en un peu moins de 50 ans ! Difficile de faire mieux que ces monoplaces légères – non homologuées sur route, évidemment – et leur puissant moteur 2 l.

Les Alpine, même si elles sont plutôt poids-plume dans leur catégorie, sont tout de même plus lourdes et moins puissantes. Les A110, en particulier, se sont tout de même distinguées pendant plus de 10 ans en Groupe IV.

Déjà en 1948 la 4 CV partait à l’assaut du Mont Ventoux, comme ici celle de François Landon. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Renault D.R. / Archives et Collections 

Les débuts d’Alpine

Les premières Alpine datent de la fin des années 1950 mais c’est à la 4 CV qu’il faut remonter pour bien comprendre leur parcours. La petite Renault a commencé à s’illustrer en côte comme en rallyes (rappelons que la marque Alpine doit son nom au succès de Jean Rédélé en course avec sa 4 CV). À sa suite, les Dauphine puis les R8 prennent la relève, tandis que les Alpine montent en puissance en leur empruntant leurs organes internes.

Dès la création de l’A106 à partir de la 4 CV, en 1956, l’Alpine prend le pas sur ses concurrentes, même si, au bénéfice du nombre, la 4 CV « 1063 » se retrouve encore souvent sur les podiums. C’est simplement que la rarissime Alpine n’est pas, encore, de toutes les fêtes. Au Mont Ventoux, par exemple, alors que la 4 CV domine sa catégorie depuis 10 ans, la première A106 engagée, celle d’Otto Petrus, termine 7e de sa catégorie en 1959 avec un temps de 16’ 41’’, tandis que la remplaçante de la 4 CV, la Dauphine, termine certes deuxième de la sienne, mais près d’une minute derrière le temps de l’Alpine. 

C’est que la Renault, construite en très grande série, peut courir en catégorie Tourisme, alors que l’Alpine, plus confidentielle, doit s’aligner en GT, où la concurrence est bien plus féroce.

En 1971, sortie de virage lors d’une course de côte pour une Berlinette. La course de côte, c’est aussi le changement de luminosité entre ombre et soleil aveuglant. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Renault D.R. / Archives et Collections

L’exemple du Mont Ventoux

Durant les années 1960 naissent l’A108 puis l’A110, avec des versions de plus en plus compétitives : c’est l’explosion d’Alpine, non seulement en rallyes, mais également en courses de côte.

En 1960 au Mont Ventoux, c’est la première victoire d’une Alpine : alors que le pilote local, un certain Maurice Trintignant, s’octroie le scratch en descendant au-dessous des 12’ avec sa Cooper-Climax de Formule 2, Condrier emporte la catégorie GT en 14’ 23’’ (à rapprocher des 16’ 41’’ de l’année précédente).

Jusqu’en 1965, les Alpine continuent ainsi à faire leurs armes, mais cette année-là, tandis que le record est porté à 11’ 16’’ par la monoplace Abarth de l’Allemand Hermann, les Alpine enlèvent les cinq premières places de leur classe ! La meilleure est l’A110 de Reynaud en 14’ 18’’ : on note au passage la rapide progression des performances au fil des ans... Mais l’Alpine de F3 de Vidal remporte également sa catégorie en 12’ 15’’.

À partir de là, il y aura toujours des Alpine aux avant-postes. Mauro Bianchi gagne la catégorie « Voiture de Sport » en 1966 en grimpant la course en 12’ 20’’, mais des Alpine pointent devant dans plusieurs autres catégories.

Les années suivantes, 1967, 1968, 1969 et 1970 ne sont que des démonstrations Alpine, qui enlève toujours au moins une catégorie ; pour situer les performances, cette dernière année, le vainqueur Ortner (Abarth) monte en 10’ 04’’ tandis qu’Ortelli enlève le Groupe IV en 12’ 25’’ avec sa Berlinette.

Une Dauphine en pleine action en 1959 ; nous sommes ici dans une spéciale lors du Rallye de la Coupe des Alpes. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo ©   Archives et Collections

Glorieuse décennie 1970

Les années 1970 sont les années Alpine, et spécialement les années de l’A110. Au Mont Ventoux, la Berlinette ouvre la décennie en emportant deux catégories en 1971, idem l’année suivante avec une montée en 11’ 28’’, tandis qu’Andruet termine deuxième au scratch avec l’A360 de F2 dopé par l’un des premiers moteurs turbo de Renault !

En 1973, la réfection de la chaussée modifie certains virages et raccourcit – de très peu – l’épreuve, qui passe de 21,60 à 21,48 km. La différence est certes faible mais les comparaisons de temps ne sont plus guère valides, ce qui n’empêche pas les Alpine de poursuivre la moisson de victoires de classe.

Après deux années – 1974 et 1975 – perturbées, la côte est organisée normalement en 1976, mais sur un parcours qui ne fait plus que 15,6 km. Les Alpine A110 enlèvent encore la Classe 3, mais on note surtout l’A441 de Mieusset, qui se classe 3e, derrière des Porsche et BMW parfois plus de deux fois plus puissantes.

Mais la course de côte du Ventoux ne sera plus jamais ce qu’elle a été, et son organisation est stoppée. Elle reprendra, sous une forme différente, douze années plus tard... dans un monde de voitures modernes où les Alpine A110 n’auront plus leur place.

Les autres courses

La côte du Mont Ventoux n’est qu’un exemple parmi les plus célèbres, mais le schéma concernant les Alpine s’est reproduit un peu partout pour les autres courses de côte : montée en puissance pendant les années 1960, domination de classes pendant les années 1970, avant que, comme en rallyes, des voitures plus modernes ne viennent remplacer les Berlinette. Comme en rallyes d’ailleurs, les A110 se bagarraient contre les Porsche 911, les premières faisant valoir leur agilité dans les épingles, les secondes leur puissance pour en sortir.

Un exemple au hasard : celui de la côte de Vuillafans-Echevannes, en Franche-Comté, l’année 1975, qui compte pour le Championnat de France de la Montagne. Dans le Groupe IV, on trouve vingt et une voitures : quatorze A110 de 1300 à 1800, six Porsche 2800 ou 3000, et une Fiat X1/9 bien esseulée. 

Pour la petite histoire, c’est une Porsche qui l’emporte devant une Alpine.

Par la suite, des A310 ont pris le relais des A110, mais avec plutôt moins de réussite, tout comme en rallyes. L’A110 a ainsi fait partie du paysage du Championnat de France de la Montagne pendant près d’une quinzaine d’années, du milieu des années 1960 à la fin des années 1970 ; aujourd’hui, on la retrouve dans les courses historiques qui fleurissent un peu partout sur le territoire, mieux préparées que jamais !

Pour aller plus loin...

L’aventure Le Marquis

La toute première Alpine était dessinée par le styliste italien Michelotti… mais ne s’appelait pas « Alpine » ! Jean Rédélé lui a donné le nom de « Renault Spéciale », car elle était construite sur une base de 4 CV. Rebaptisée « Le Marquis », elle connaîtra une tentative de commercialisation aux USA.

Tout commence comme un roman à l’eau de rose : fringant jeune homme d’affaires aux dents longues, Jean Rédélé commande une voiture spéciale à un styliste italien réputé. Ce dernier finalise alors un dessin qui plaît à Rédélé, puis lui livre la 4 CV qui servira de base à son futur coupé. Contrairement à toutes les Alpine qui vont suivre, ce « numéro zéro » n’aura pas une carrosserie en polyester, mais en aluminium, selon les techniques des maîtres-carrossiers de l’époque. Fin 1952, la voiture est prête. Rédélé vient de se marier ; le parcours du voyage de noces est donc tout trouvé : l’Italie et la France au volant d’un coupé sur mesure !

Autre époque : c’est un grand nombre de 4 CV qui se préparent pour les 24 Heures du Mans en 1952. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo ©   Renault D.R. / Archives et Collections

Toujours améliorer

Dès son retour au travail, Jean Rédélé pense à améliorer la voiture, en chargeant un peu plus l’avant trop léger – défaut congénital des 4 CV – et en opérant quelques modifications esthétiques.

Quelque temps plus tôt, Rédélé et son ami Louis Pons, lui aussi concessionnaire Renault, avaient acheté à son concepteur André-Georges Claude les droits d’une boîte de vitesses pour 4 CV à cinq rapports très efficace. Le coupé sera doté de cette boîte. Le moteur est dopé par toute une série de pièces provenant de chez le spécialiste Satecmo, qui fournit de nombreux composants haute-performance pour le moteur « 1063 » : culasse complète, gros carburateur, etc.

La voiture prend alors le nom de Renault Spéciale : Jean Rédélé, fin stratège, veut impliquer Renault dans ses projets à venir, et c’est sous ce nom qu’elle est engagée au Rallye de Dieppe en 1953. Rédélé remporte l’épreuve devant une Jaguar et une Porsche. La même année, il s’engage au circuit de Rouen-Les Essarts, où il emporte la catégorie des moins de 750 cm3. Puis la saison continue sur cette lancée, si bien qu’un industriel américain amateur de voitures sportives, Zark Reed, finit par remarquer sa voiture.

La « The Marquis » avait même fait l’objet d’un dépliant publicitaire vantant toutes les qualités d’une « voiture de sport moderne ». © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo ©  Renault D.R. / Archives et Collections

Convaincre l’industriel américain 

Reed a une idée derrière la tête. À cette époque, une frange importante de la jeunesse américaine a acquis de solides moyens financiers, et les petites sportives européennes (en particulier anglaises) se vendent comme des petits pains sur le sol américain. Reed pense qu’il y a un marché à explorer, d’autant qu’il est à la tête d’une entreprise de coques de bateaux en polyester, un nouveau matériau apparu durant la Seconde Guerre mondiale, qu’on noie dans la résine pour obtenir un moulage synthétique solide et léger. La technique n’en est qu’à ses balbutiements pour l’automobile, mais Reed y croit, et la Renault Spéciale l’intéresse : la carrosser en polyester serait économique, et le résultat concurrentiel face aux sportives anglaises.

À cette époque, Renault réfléchit à l’implantation de la 4 CV aux États-Unis. Alors, pourquoi pas une version sportive ? Mais plusieurs projets concurrents sont déjà en marche sur lesquels Reed se renseigne, en particulier celui de l’ancien champion automobile Louis Rosier, un coupé sur base de 4 CV lui aussi.

Fort de sa puissance industrielle, Reed a convaincu la direction de Renault de lui fournir des plateformes complètes de 4 CV, qu’il compte importer aux États-Unis pour les faire carrosser dans son usine.

La vitrine de la concession Renault de Washington en 1955. À l'intérieur, on distingue la vedette : la 4 CV ! © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Renault D.R. / Archives et Collections

L’aventure Le Marquis

C’est Rédélé qui emporte l’affaire. Reed achète les droits de fabriquer la Renault Spéciale, baptisée « Le Marquis », une connotation française bienvenue car la France bénéficie d’une belle image aux États-Unis dans le domaine de l’élégance et du luxe… à défaut de l’avoir dans l’automobile. Mais Jean Rédélé voit plus loin que la licence à un Américain ; en échange d’une vente à prix avantageux, il demande à son tour le droit, l’outillage et le savoir-faire nécessaires pour fabriquer cette carrosserie polyester, une technologie nouvelle pleine d’avenir.

Mais les choses se passent mal aux États-Unis : Reed ne maîtrise pas bien la technologie du polyester appliquée à l’automobile et son ingénieur n’a pas tenu compte des implications d’un moteur placé à l’arrière, chose pratiquement inconnue en Amérique : résultat, la voiture est en surchauffe permanente… en raison de tous ces problèmes, la voiture fait un fiasco.

Toutefois, le Normand ne perd pas espoir et se tourne à nouveau vers le carrossier Allemano pour une seconde voiture, plus affûtée celle-ci. Livrée en 1954, en aluminium, la voiture est à la hauteur de ses espérances avec son moteur porté à 900 cm3 développant 58 ch. Mais son beau-père Charles Escoffier s’est déjà engagé auprès d’un autre atelier, Chappe et Gessalin, pour la fabrication d’une petite série de coupés, toujours sur base 4 CV, et à carrosserie polyester. C’est finalement cette voiture qui deviendra la première Alpine, non sans que la Renault Spéciale-Le Marquis ait fourni la toute première base de la première Alpine.

Encore la 4 CV version USA, avec ses pneus à flancs blancs, photographiée sous un pont de New York en 1950. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo ©  Renault D.R. / Archives et Collections

UNE DISCIPLINE SPÉCIALE

La course de côte se déroule sur une route habituellement ouverte à la circulation, et fermée pour l’occasion, comme pour une spéciale de rallye, dont elle est une cousine. Mais la différence est qu’un rallye inclut de nombreuses épreuves spéciales de type course de côte dans un parcours de liaison, alors qu’une côte est un sprint court, d’un à une quinzaine de kilomètres, où la moindre erreur oblitère les chances de victoire. Chaque concurrent part séparément et se bat contre le chronomètre. Les coureurs ont droit à une, voire deux ou trois montées d’essais, et deux ou trois montées officielles.

Plusieurs catégories accueillent les autos (ou  les motos), mais toutes favorisent les moteurs au couple le plus puissant, les plus fortes capacités d’accélération et les voitures très agiles. C’est  cette dernière caractéristique qui permet aux Alpine de briller.

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