F2, F3, Formule France

Réédition partielle de la collection Alpine Renault  - Construisez l’Alpine A110 1600S Berlinette

Tout pour les circuits

Forte de ses succès en rallyes routiers avec la Berlinette, la marque Alpine va se lancer sur les circuits dès le début des années 1960. Les résultats vont être à la hauteur des espérances de Jean Rédélé.

Que ce soit avec les monoplaces ou en endurance aux 24 Heures du Mans, le fondateur d’Alpine doit à Gérard « Jabby » Crombac, le rédacteur en chef du magazine Sport Auto, son engagement sur les circuits automobiles. Celui-ci, doté d’un carnet d’adresses très fourni et d’une profonde connaissance du milieu de la course a, qui plus est, du « nez » : il a intégré à son équipe l’éclectique José Rosinski, à la fois pilote, journaliste et essayeur, vice-champion de France en Formule Junior.

Il est difficile pour un essayeur, vice-champion de France en non initié, de distinguer la Formule 2 de la Formule 3. Ici une Alpine F3 en 1966. Crédits photo © Renault Communication / D.R.

Combrac s’engage dans cette mission à la fois pour remettre une marque automobile française sur le devant de la scène en compétition et par réel amour de ce sport. De plus, il poursuit ainsi son intérêt personnel pour un lectorat national qui augmenterait en cas de succès. En avril 1963, Sport Auto annonce dans ses colonnes qu’une nouvelle voiture de course française est née à Dieppe. La première monoplace d’Alpine, une A270 F2, s’est présentée pour la première fois sur une grille à Pau en 1964. Rosinski et Bianchi termineront respectivement 4e et 5e, mais à deux tours du vainqueur Jim Clark en raison d’un moteur complètement dépassé. 

Une Alpine 270 F2 à Pau. Malgré un moteur Gordini encore amélioré, la saison 1966 sera aussi décevante que la précédente. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés.  Crédits photo © Renault Communication / D.R.

Mise en place 

Une suite d’événements va permettre à Alpine de s’engager sur les pistes. D’abord, la Régie met à disposition de Rédélé des moteurs dont seul René Bonnet pouvait disposer auparavant. Puis, la providentielle intervention de Gérard Crombac et la venue de Rosinski au volant tout comme à la direction sportive permettent une mise en orbite de la marque dieppoise. 

Le 1 000 cm3 double-arbre adapté par Amédée Gordini est testé dès 1963, et une adaptation à la F2 monoplace est prévue pour la saison suivante. Mais la course est un domaine qui coûte cher, et la logistique supplémentaire qu’implique l’alignement de bolides sur circuits devient très pesante. En effet, la M63 du Mans avait demandé de l’attention et la gestion des rallyes est très loin de celle de monoplaces. Aussi Jabby permet-il à Rédélé l’acquisition d’un châssis BT10S auprès de Jack Brabham. Son efficacité était prouvée et l’on pouvait donc se passer de la mise au point d’un prototype. Parallèlement, Brabham fournit également des accessoires, comme les freins, la direction, les porte-moyeux, etc. Puis, grâce à la venue de Henri Grandsire aux côtés de Rosinski sur la piste, Alpine décroche un titre en F3 dès 1964, sa première année de participation.

Henri Grandsire en action lors d’une course de F3 en 1965, sur le petit circuit de Saint-Genès-Champanelle (63).© IXO Collections SAS - Tous droits réservés.  Crédits photo © Renault Communication / D.R.

En retard !

Un autre homme providentiel entre également chez Alpine à cette occasion, par la petite porte : il s’agit de Jacques Cheinisse. Le Normand, aussi « taiseux » que Jean Rédélé, affirme à l’époque qu’il n’apprécie pas spécialement la monoplace. Et pourtant : « elle est l’expression ultime de la compétition ; un constructeur ne peut pas y échapper ». Plus tard, l’équipe s’étoffe encore, avec des noms qui ne seront connus que beaucoup plus tard du grand public. Deux jeunes pilotes, en l’occurrence Jean-Pierre Jabouille (1969) et Patrick Depailler (1967), plus deux ingénieurs qui laisseront des traces : André de Cortanze et Bernard Dudot. Lorsque l’on parle de ces quatre hommes aujourd’hui, qui se rappelle qu’ils ont commencé leur carrière chez Alpine auprès de Jean Rédélé ? Pour la saison 1965, Alpine continue à aligner des monoplaces en F2 et en F3. Pour cette dernière catégorie, huit voitures sont construites en raison de commandes de clients passées au Salon de l’Auto d’octobre 1964. Les caractéristiques annoncées sont de 91 ch pour le 993,5 cm3 dérivé de la R8, et un curieux choix de trois boîtes de vitesses : une Renault Type 318 de Dauphine Gordini à quatre rapports dont trois synchronisés, une Type 330 à quatre rapports synchronisés et une Hewland à rapports interchangeables. L’ensemble est donné pour 400 kg et 225 km/h. Pour la F2 (ainsi que pour les prototypes), Rédélé bénéficie de l’exclusivité du nouveau moteur de course Type 58 qu’Amédée Gordini est en train de dessiner. Le gros problème est que, en mars 1965, aucun moteur ne fonctionne encore. Et le premier Grand Prix de France, qui doit se courir à Pau, est programmé pour le 25 avril ! De son côté, Honda lance également pour la F2 un nouveau moteur de 140 ch, contre 125 ch pour le Gordini. La saison 1965 sera ainsi catastrophique. 

Les A366 de la Formule Renault disposaient du moteur 1,6 l Gordini. Cette photo prise sur le circuit Paul Ricard date de 1972. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés.  Crédits photo © Renault Communication / D.R.

Conjectures 

Mentionnons que, contrairement à Enzo Ferrari ou Colin Chapman (Lotus), Rédélé ne s’est jamais complètement investi dans la compétition. Il est certes présent sur certaines courses, mais la monoplace n’est pas sa tasse de thé. Il délègue et n’occupe plus que la place de superviseur. C’est peut-être pourquoi les Alpine F2, F3 ou Formule France ne sont pas restées dans les annales. Si des pilotes comme Patrick Depailler ou François Cevert ont affûté leurs armes au volant d’une Alpine A270 ou A280 (Cevert écrira dans ses mémoires qu’il utilisait en 1967 une Alpine F3 de 1965 fragile et dépassée !), ce sont bien les voitures de sport qui ont la préférence de Dieppe. Ainsi, pour 1968, tous les efforts se concentrent sur la nouvelle A220 à moteur V8 de 3 litres. À cette époque, Depailler se déplace avec seulement deux mécaniciens pour courir avec son A330 en F3.

Tisser tous les liens entre la première monoplace de 1962 (A270) et les dernières de 1973 (A364 de F3 et A366 de Formule Renault), exige de former des conjectures car les informations sont contradictoires. Il est vrai que les châssis ont souvent été utilisés alternativement en F2 et en F3, avec ou sans changement de numéro !

Pour aller plus loin...

Le V6 monoturbo au Mans

La compétition étant à l’origine de la création d’Alpine, viser l’élite s’est peu à peu imposé. Pour ce faire, Alpine-Renault fut le premier en Europe à parier sur une technique qui sera utilisée avec succès aux 24 Heures du Mans et en Formule 1 : le turbocompresseur. Savoir exactement quand Alpine a décidé d’étudier la possibilité du turbocompresseur en compétition n’est pas facile. On peut se rappeler qu’en 1972, Bernard Dudot (voir encadré) avait monté un moteur de 1 600 cm3 turbocompressé dans une Berlinette A110.Développant 200 ch, celui-ci avait permis à Jean- Luc Thérier de décrocher la victoire au Rallye des Cévennes. Ce fut le tout premier succès d’une Alpine équipée d’un turbo. L’entreprise Alpine avait alors énormément grossi, Renault était en passe d’acquérir 55 % des parts et le pétrolier Elf, par l’intermédiaire de son directeur de la compétition François Guitter, poussait les deux entités à atteindre le sommet de la compétition automobile.

Pour Bernard Dudot, Jean-Pierre Jabouille (ici sur le circuit Paul Ricard en 1974) fut un précieux metteur au point du moteur turbo. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés.  Crédits photo © Renault Communication / D.R.

Révélateur

Le turbocompresseur a été greffé sur un moteur conçu par l’ingénieur technicien François Castaing, qui avait travaillé aux côtés d’Amédée Gordini. C’était un V6 de 2,0 litres de cylindrée, engagé dans le Championnat européen des Sports Prototypes. Ouvert à 90°, ce moteur hyper-carré (alésage x course de 86 mm x 57,3 mm), double arbre à cames en tête et injection, développait 285 ch à 9 800 tr/min. Grâce à lui, les nouvelles Alpine A441 à châssis tubulaire ont dominé le championnat européen 2,0 litres de 1974. Dès 1975, on murmurait dans les coulisses de Renault l’idée de s’engager en F1. André de Cortanze, Marcel Hubert et André Renut ont été chargé de travailler sur ce projet pour finaliser l’A500. C’est à la fin de l’année 1974 que Bernard Dudot va greffer un turbo Garrett sur le V6 de l’A441 qui prendra ainsi l’appellation de A441 T, afin de lancer les premiers tests en course. Avec le coefficient multiplicateur de 1,4, il atteint le chiffre relatif de 2 796 cm3, et entre ainsi dans la catégorie des 3,0 litres. Il développe 490 ch. La toute nouvelle A442 va prendre le relais, mais sa réelle efficacité sera grevée par des casses de moteur à répétition.

Jean-Pierre Jabouille, ici au volant, était associé à Patrick Tambay lors des 24 Heures du Mans en 1976 (mais il y eut abandon). © IXO Collections SAS - Tous droits réservés.  Crédits photo © Renault Communication / D.R.

Mise en point fastidieuse 

Bernard Dudot rappelle que le travail ne pouvait pas à l’époque s’appuyer sur la télémétrie.

Son équipe s’était pourtant rendu compte que l’efficacité d’un turbo est corrélée à la vitesse et à la température des gaz d’échappement, eux-mêmes fonction de la carburation et de l’avance à l’allumage. Mais, même sans télémétrie, Jean-Pierre Jabouille était un pilote et un metteur au point hors pair. Avec quelque 500 ch pour 715 kg, sa boîte Hewland à 5 rapports et sa vitesse maxi d’environ 350 km/h, l’A442 pouvait devenir la reine si elle accédait à la fiabilité. Personne n’en doutait, encore moins Gérard Larrousse qui décida de s’impliquer au Mans afin de s’ouvrir les portes de la F1, comme l’avait décidé le P.-D.G. Bernard Hanon en 1975. Selon le rapport que Dudot remit à son retour de son voyage d’études aux USA en 1973, la victoire en catégorie reine était tout à fait envisageable avec le moteur turbo que personne n’utilisait encore. Mais la théorie est une chose, son application en est une autre. De nombreux mois de compétition seront nécessaires pour déterminer les processus de fiabilisation.

L’Alpine A442, pilotée par Jabouille et Bell, abandonnera comme l’année précédente au Mans en 1977. Mais la victoire est proche ! © IXO Collections SAS - Tous droits réservés.  Crédits photo © Renault Communication / D.R.

De Alpine-Renault à Renault-Alpine

L’A442, sous les feux de la rampe, est alignée aux 24 Heures du Mans. En 1976, les activités de Gordini et d’Alpine avaient été regroupées sous une même entité. Gérard Larrousse devait prendre la direction de cette nouvelle structure appelée tout simplement « Renault Sport ». Mais on se concentre sur Le Mans, épreuve pour l’instant prioritaire. Une seule Renault-Alpine A442, en livrée jaune et noire, à moteur turbo, est engagée, avec comme pilotes Jean-Pierre Jabouille et Patrick Tambay. Pole position, record du tour en course... mais abandon à la 11e heure sur ennui de piston. Une nouvelle déconvenue au Mans en 1977 mettra André de Cortanze, le chef de projet, Marcel Hubert, l’aérodynamicien, et Bernard Dudot, l’ingénieur motoriste, sur la sellette. Renault Sport a l’obligation de remporter les 24 Heures, ce qui sera fait, avec panache, en 1978. Ensuite, c’est cap sur la Formule 1, grâce au turbo !

Ragnotti et Fréquelin termineront au pied du podium, mais Pironi et Jaussaud apporteront la victoire à Renault-Alpine au Mans en 1978. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés.  Crédits photo © Renault Communication / D.R.

F2 ou F3 ?

Pour le néophyte, il est particulièrement difficile de différencier les monoplaces courant en F2 et en F3. Mais, si la différence esthétique est minime, le fond, lui, est quelque peu différent, ce qui fait dire à Jean-Luc Lagardère, à l’époque PDG de Matra : « La Formule 3 pour apprendre, la Formule 2 pour s’aguerrir et la Formule 1 pour s’imposer ».

Les F3 sont les bolides les moins performants, limités à 1 litre de cylindrée. Elles doivent utiliser un grand nombre de pièces de grande série, avec des moyens restreints pour en améliorer certaines (qu’il est trop long de développer ici). En tant qu’antichambre de la F1, la F2 (remplacée plus tard par la Formule 3000) est plus permissive. Elle fait également appel  à des automobiles de série, mais produites à 500 exemplaires minimum, ce qui ouvre la porte à des modèles typés course. La cylindrée se limite là à 1 000 cm3 de 1964 à 1966, puis de 1 300  à 1 600 cm3 de 1967 à 1971.

Données • châssis utilisés

• 1964 : A270, ou P64-2 et P64-3 (F2, 1 l Gordini et F3, 1 l Mignotet)

• 1965 : A270

• 1966 : A270 (F3)

• 1967 : A280 (F3, Moteur Moderne 1 l) 

• 1968 : A330 (F3) et A340 (Formule France, 1,255 l Gordini)

• 1969 : A330 (F3) 

• 1970 : A361 (Formule France) 

• 1971 : A360 (F3, 1,6 l Renault) et A361 (Formule France devient Formule Renault)

• 1972 : A364 (F3) et A366 (FR, 1,6 l Gordini) 

• 1973 : comme l’année précédente (source : forums.autosport.com)

Notez que les voitures de Formule France sont équipées du Renault 8 Gordini 1 300 cm3 de 105 ch. Mais, encore une fois, dénouer l’écheveau de l’histoire des Alpine monoplaces est complexe. Même les livres publiés à ce propos ne s’accordent pas tout à fait.

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