Renault 5 Turbo

Rédaction : Albert Lallement  

Née sous le signe de la course

Six ans après le lancement de la petite berline populaire Renault 5, une version à moteur turbocompressé destinée à la compétition est présentée au Salon de l’Automobile de Paris de 1978.

In the same year that the Renault Alpine A 442B of Pironi and Jaussaud won the 24 Hours of Le Mans, a peculiar Renault 5 with inflated wings was presented on the booth of Renault at the Paris Motor Show in 1978. The Renault 5 Turbo was the successor to a series of Renault models specially developed for sportive customers from the 1950s, like the 4 CV R1063, Dauphine R 1093 and other R 8 and R 12 models prepared by Gordini.

La Renault 5 Turbo est le pari de Jean Terramorsi, le passionné directeur de la compétition de Renault, qui a su convaincre la Régie de le suivre dans ce projet un peu fou. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Renault D.R. / Archives et Collections

Le «Sorcier» Amédée Gordini s’étant retiré, c’est désormais à Alpine, entrée dans le giron de Renault en 1971, qu’il appartient de reprendre le flambeau de la course et de muscler certains modèles de la Régie. Rendre possible la production en série du projet 822 relatif à la Renault 5 Turbo, et ce, dans un temps limité et avec un budget réduit, reste un véritable exploit technologique et industriel. Surtout quand l’ambition avouée pour la voiture en question est de gagner des rallyes du Championnat du Monde.

Le savoir-faire Alpine

Depuis le projet initial imaginé par Jean Terramorsi, le Directeur de Renault Gordini, jusqu’à la présentation du premier prototype (non roulant) au Salon de Paris, en octobre 1978, deux années se sont écoulées durant lesquelles plusieurs personnes ont joué un rôle déterminant. À commencer par l’ingénieur Michel Têtu qui a orchestré la bonne marche du projet 822 chez Renault Sport, alors basé à Dieppe et dirigé par Gérard Larrousse qui avait succédé à Jean Terramorsi en 1976. Le développement sera réalisé au sein du bureau d’études qui deviendra bientôt le fameux BÉREX (Bureau d’Études et de Recherches Exploratoires). Les pilotes essayeurs «maison», Alain Serpaggi, Jean Ragnotti et Guy Fréquelin entre autres, sont chargés de faire passer la Renault 5 Turbo du stade de prototype expérimental à celui de la construction en série. Ce qui deviendra réalité le 20 mai 1980 : jour où démarre officiellement la production dans l’usine Alpine située avenue de Bréauté à Dieppe.

L’habitacle de la Renault 5 Turbo, œuvre du styliste italien Bertone, est particulièrement original et moderne pour l’époque. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Renault D.R. / Archives et Collections

Châssis de série modifiés

Initialement, la coque de la R5 Turbo provient de la série. Quelques exemplaires sont prélevés sur la chaîne de montage de la Renault 5 version 2 portes à Flins, ainsi que des éléments de carrosserie complémentaires. Ces châssis, en tôle d’acier encore nue, sont ensuite envoyés dans l’usine Heuliez, située à Cerizay près de Nantes, où sont sous-traités l’assemblage et la transformation des coques. Heuliez est chargé d’aménager les passages des roues arrière, le compartiment moteur, le coffre avant, mais aussi d’allonger la caisse et de modifier la jupe arrière. Il lui revient également de fabriquer tous les éléments propres à la R5 Turbo qui ne sont pas fournis par Renault, comme les portières, le hayon arrière et le pavillon de toit, réalisés en aluminium embouti. Après avoir reçu une couche de peinture de protection noire, les châssis partent chez Alpine à Dieppe. Afin de pouvoir assurer rapidement la fabrication des 400 exemplaires pour l’homologation en course, Alpine avait arrêté provisoirement le montage des coupés A 310.

Le premier millésime de la Renault 5 Turbo n’est proposé qu’en deux teintes de carrosserie : Rouge Grenade ou Bleu Olympe. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo ©  Renault D.R. / Archives et Collections

Assemblage à Dieppe

Les caisses provenant de chez Heuliez reçoivent un traitement anticorrosion puis sont placées sur la chaîne où sont montés les éléments de carrosserie en Polyester stratifié fabriqués sur place : ailes et capot avant principalement. Puis un tube de renfort est installé dans l’ancien compartiment moteur à l’avant. Le châssis est ensuite mis en peinture avant que ne  commence le montage proprement dit qui comprend une vingtaine d’étapes avec l’installation des équipements et des câblages électriques, puis du groupe motopropulseur et de la transmission, suivis par les éléments mécaniques (freins, suspensions, direction). L’assemblage se termine par l’aménagement de l’habitacle et le montage des accessoires extérieurs et des vitres. Une fois terminée, la voiture fait un galop d’essai dans la campagne environnante avant d’être livrée chez un concessionnaire du Réseau Renault pour faire un heureux propriétaire...

Profil de la Renault 5 Turbo engagée dans sa première course en octobre 1979, au 7e Tour d’Italie, où Guy Fréquelin et Jean-Marc Andrié abandonnent. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo ©  Renault D.R.

Le 4 cylindres Renault Turbo

Les moteurs Renault Turbo type 840-30, à quatre cylindres en ligne de 1 397 cm3, sont assemblés dans un atelier spécifique de l’usine de Boulogne-Billancourt, dénommé 49.83. Situé au centre du bolide, le moteur dispose d’un bloc en fonte et d’une culasse en alliage d’aluminium. Il dérive du 1,4 Litre de la R5 Alpine de série dont les ingénieurs du Bérex ont poussé la puissance de 93 ch à 160 ch en le gavant avec un turbocompresseur Garrett (0,85 bar de pression d’admission) associé à une injection Bosch. L’augmentation importante de la température (plus de 400°) du groupe motopropulseur due à la compression des gaz d’admission et à l’espace moteur confiné, oblige à utiliser un échangeur air-air pour refroidir les gaz à la sortie du turbo. Ce système est efficace, mais particulièrement contraignant et complexe à mettre au point. La version Turbo 2 de 1983 conserve la même cylindrée et offre une puissance et un couple maximum (21,4 mkg à 3 250 tr/mn) identiques, tandis que le poids est réduit de 70 kg. En 1985, apparaît la Maxi 5 Turbo de 1 525 cm3 développant 350 ch à 6 500 tr/min. 

Pour aller plus loin...

Une vitrine internationale

Moins d'une année après le lancement de la Renault 5 Turbo, un championnat monotype lui est consacré. Pendant quatre saisons, de 1981 à 1984, la Coupe d'Europe Renault 5 Turbo contribuera à forger la notoriété de cette voiture d'exception. Dès la première année en effet, la Coupe R5 Turbo se déroule sur les plus prestigieux circuits européens en ouverture de certains Grands Prix de Formule 1, ce qui lui apporte une audience médiatique dans le monde entier. Pour sa première saison, la Coupe comprend 12 épreuves, dont 7 en ouverture d'un Grand Prix de F1 et une en lever de rideau des 24 Heures du Mans. Les lauréats des quatre saisons disputées sont : Wolfgang Schütz (Allemagne) en 1981, Joël Gouhier (France) en 1982, puis Jan Lammers (Hollande) en 1983 et 1984. À partir de 1985, les Alpine V6 Turbo prendront le relais jusqu'en 1988 avec le Championnat "Europa Cup Renault Elf".

Le pilote d'usine Jean Ragnotti a été un animateur régulier de la Coupe d'Europe de Renault 5 Turbo où il se classera 2e en 1982. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo ©  Renault D.R. / Archives et Collections

Jean Terramorsi

Né en 1922, celui qui est considéré comme le père de la Renault 5 Turbo a commencé sa carrière dans la communication, chez Publicis en 1948 où il est bientôt chargé de la publicité de Renault. Très lié à la marque au losange, il devient directeur de la publicité de la Régie en 1963. À partir de 1972, il est responsable des petites séries et du département compétition chez Renault, ainsi que Président de Renault-Gordini. Malgré sa grande implication dans l'adoption du Turbo en compétition chez Renault, il est remplacé par Gérard Larrousse fin 1975. L'histoire raconte qu'au début de l'année 1976, alors qu'ils rentrent en voiture à Paris après une réunion chez Alpine à Dieppe, Jean Terramorsi et son adjoint Henry Lherm imaginent une petite sportive basée sur la Renault 5 qui serait dotée d'un moteur Turbo central et de roues arrière motrices... Malheureusement, "Terra" ne verra jamais la concrétisation de ce projet de passionnés, car il décède d'une crise cardiaque le 27 août suivant.

Remarquable homme de communication, Jean Terramorsi a joué un rôle majeur à la tête du département compétition de Renault au début des années 1970. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo ©  Renault D.R. / Archives et Collections

Championne de Super Production

En 1987, une nouvelle version de la Renault 5 Maxi Turbo est spécialement développée pour le Championnat de France de Super Production qui sera d'ailleurs brillamment remporté par Érik Comas épaulé par Jean-Louis Bousquet (classé 5e), les deux équipiers remportant 6 victoires au total. Cette voiture, construite à 6 exemplaires et préparée par Sonica, comportait plusieurs modifications par rapport à la 5 Maxi de base. Son poids était de 1 060 kg, l'empattement restait inchangé, mais les voies avant et arrière passaient respectivement à 137 cm et 153 cm. Le moteur, dont la cylindrée avait été ramenée à 1 419 cm3, développait désormais 370 ch à 6 700 t/mn avec un couple maxi de 45 mkg à 5 000 tr/mn. Contrairement au modèle de base, la Maxi de Super Production était destinée à courir exclusivement sur circuit.

La Renault 5 Maxi Turbo avec laquelle Érik Comas a remporté le Championnat de France de Super Production en 1987. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo ©  Renault D.R. / Archives et Collections

Chiffres de production

Afin d'obtenir son homologation sportive en Groupe 4 (Grand Tourisme), la Renault 5 Turbo devait être construite à 400 exemplaires en une année. Cet objectif sera largement réalisé à la fin de 1980, puisqu'après seulement six mois de production, 804 voitures avaient déjà quitté l'usine Alpine de Dieppe. Les chiffres officiels de Tombée de Chaîne Mécanique (TCM) nous apprennent que la Renault 5 Turbo a été produite à 4 762 exemplaires de 1980 à 1986, dont 3 084 ex pour la seule Turbo 2 de 1982 à 1986. À cela, il faut ajouter les 200 exemplaires de la Turbo 2 Type 8221 construits en 1984 pour l'homologation en Groupe B, ainsi que les versions compétition Clients "Cévennes" de 1981 (20 ex) et "Tour de Corse" de 1982 (20 ex). La Maxi 5 Turbo a quant à elle été construite à 20 exemplaires de 1985 à 1986, ce qui fait un total de 5 022 véhicules produits, toutes versions confondues.

Pendant six années, la Renault 5 Turbo a remarquablement complété par le haut une gamme R5 très diversifiée lancée en 1972. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo ©  Renault D.R. / Archives et Collections

Palmarès en course

C’est avant tout en Rallye que la Renault 5 Turbo va acquérir ses titres de noblesse en ouvrant la voie à toute une génération de voitures de Groupe B. Son fabuleux parcours commence par le difficile Tour de Corse de 1980, où Jean Ragnotti frôle l’exploit après une remontée fulgurante. Ce jour-là, il fait la démonstration du formidable potentiel de cette petite bombe qui remportera par la suite quatre manches du Championnat du Monde des Rallyes : Monte-Carlo 1981 (Ragnotti), Tour de Corse 1982 et 1985 (Ragnotti) et Rallye du Portugal 1986 (Joakim Moutinho sur Maxi Turbo). La Renault 5 Turbo s’illustrera également dans plus de trente épreuves du Championnat d’Europe des Rallyes et remportera le Championnat de France des Rallyes en 1981 (Bruno Saby), 1982 (Jean-Luc Thérier) et 1984 (Jean Ragnotti).

Renault 5 Turbo (Type R 8020 de 1981)

• Moteur : type 840-30 turbo, 4 cylindres en ligne, longitudinal central arrière

• Cylindrée : 1 397 cm3

• Alésage x course : 76 mm x 77 mm

• Puissance : 160 ch à 6 000 tr/mn

• Alimentation : injection mécanique Bosch K-Jetronic et turbo Garrett T3

• Allumage : transistorisé Marelli

• Distribution : arbre à cames latéral, 4 soupapes en tête par cylindre

• Transmission : Type 369-04, aux roues arrière, boîte à 5 rapports + M.A.

• Pneumatiques : Michelin XVS, 190/55 HR 340 (avant) et 220/55 VR 365 (arrière)

• Freins : hydrauliques assistés, disques ventilés (diamètre 260 mm) sur les 4 roues

• Longueur : 366,4 cm

• Largeur : 175,2 cm

• Hauteur : 132,3 cm

• Empattement : 243 cm

• Voie avant : 134,6 cm

• Voie arrière : 147,4 cm

• Poids (à vide) : 970 kg

• Vitesse maximale : 205 km/h

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