Lancia Aprilia

Rédaction : Albert Lallement  

Le dernier Opus de Vincenzo

Lancée en avril 1937, l’Aprilia est considérée comme l’ultime chef-d’œuvre de Vincenzo Lancia. Décédé deux mois plus tôt, ce dernier n’assistera malheureusement pas à l’avènement de ce nouveau modèle révolutionnaire.

L’Aprilia s’inscrit en effet dans la lignée des voitures avant-gardistes qui ont fait la renommée internationale du constructeur turinois depuis l’emblématique Lambda de 1922. Le dernier opus de Vincenzo Lancia en reprend d’ailleurs plusieurs solutions techniques innovantes tout en adoptant à son tour des procédés inédits tels que la carrosserie autoporteuse ou la suspension à quatre roues indépendantes. Ralentie durant la guerre, la production de l’Aprilia se poursuivra avec régularité jusqu’en 1949, parallèlement à sa «petite sœur» baptisée Ardea.

La carrosserie offre une bonne habitabilité pour quatre personnes et son accessibilité est aisée grâce à ses portières à ouverture opposée et l’absence de montant central.  © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Lancia D.R.

Depuis le début des années 1930, Lancia s’attache à produire des voitures disposant d’une technique de pointe tout en offrant un confort de haut niveau. Avec celle qui va devenir l’Aprilia, Vincenzo Lancia souhaite lancer un modèle aussi radicalement novateur que la Lambda, mais d’une cylindrée plus petite. Le cahier des charges fixé est très strict : carrosserie d’une longueur de 4 mètres maximum permettant d’accueillir cinq passagers, poids inférieur à 900 kg et moteur V4 compact de moins de 1,5 Litre tout en étant plus puissant et plus économique que celui de l’Augusta.

Lors de sa présentation officielle, la Revue Technique Automobile titre : “La Lancia Aprilia fait honneur à l’industrie automobile italienne.” © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Lancia D.R.

Validée par le Patron !

Les premières esquisses de l’Aprilia apparaissent en avril 1934 sous la forme d’une carrosserie très ronde de type «goutte d’eau» dotée de deux larges portières sans charnières extérieure, évoquant la Rumpler «Tropfenwagen» de 1922. Le dessin définitif, déposé en mars 1935, est l’aboutissement des travaux de l’ingénieur maison Battista Falchetto qui avait précédemment travaillé sur la Lambda et la Dilambda. Pour l’Aprilia, il a réalisé des études aérodynamiques poussées en collaboration avec la soufflerie de l’Institut Polytechnique de Turin. Le résultat est époustouflant pour l’époque puisqu’il laisse apparaître un coefficient de trainée de seulement 0,47. Dans le même temps, la structure et le châssis sont développés par une équipe d’ingénieurs placés sous la direction de Giuseppe Baggi. Les premiers essais routiers ont lieu à partir de l’automne 1935 et se poursuivent jusqu’en juin 1936. Au cours de cet été-là, Vincenzo Lancia demande à ses collaborateurs habituels, les ingénieurs Gismondi, Varga et Tacchini, de l’emmener pour un essai entre Turin et Bologne. Sur la route du retour, il décide de prendre le volant et une fois arrivé à l’usine, alors qu’il n’avait pas dit un mot jusque-là, il s’exclame : «Quelle merveilleuse voiture !» La nouvelle Lancia est dévoilée au Salon de Paris de 1936, puis est ensuite exposée aux Salons de Londres et Milan où elle fait sensation. D’emblée, l’Aprilia est saluée comme étant une berline de prestige qui redéfinit la voiture telle qu’on la connaissait jusque-là. Parmi les magazines spécialisés qui encensent ce modèle à l’époque, on trouve «La Vie Automobile» du journaliste français Charles Faroux, ainsi que la revue de référence anglaise «Autocar». La production en série débute le 24 février 1937, sans que Vincenzo puisse suivre les débuts de sa dernière création, car ce dernier est décédé d’une crise cardiaque quelques jours plus tôt, le 15 février 1937.

La calandre caractéristique des Lancia Aprilia sera reprise jusqu’à l’Aurelia. Comme toutes les Lancia d’avant-guerre, l’Aprilia dispose d’une conduite à droite. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Lancia D.R.

Une élégante berline

Comme son ainée Augusta, la Lancia Aprilia n’est d’abord proposée qu’en berline à quatre portes (tipo 238) dotée d’un moteur V4 de 1 351,74 cm3 offrant une puissance de 47 ch. Une version Lusso (Luxe), tipo 238L, est disponible à l’été 1937. Elle dispose d’équipements supplémentaires comme un marchepied et une planche de bord plus complète qui font passer le poids à 895 kg. Parallèlement, un châssis nu (tipo 239) est disponible. La première évolution importante arrive avec la seconde série (tipo 438 et 439 pour le châssis nu) qui est lancée le 18 août 1938 et sera produit jusqu’au 22 octobre 1949. Son moteur voit sa cylindrée augmenter à 1 486,5 cm3 (alésage/course : 74,61 mm x 85 mm). Le but n’est pas tant une augmentation de puissance (à peine 1 ch) que l’amélioration du couple à bas régime, de la souplesse et des accélérations du fringant V4. Cette seconde série présente les finitions de la précédente Lusso, reconnaissable à sa calandre un peu plus bombée, tandis que la berline de base est retirée du catalogue. Sur cette série, un nouveau carburateur Zenith 32 VIML3 est monté, ainsi que des freins de fabrication italienne SABIF à la place des Lockheed d’origine. La voiture étant un peu plus lourde (950 kg), la boîte de vitesses dispose de rapports mieux étagés. Cette configuration de l’Aprilia est produite pendant quelques années après la guerre, le dernier exemplaire quittant les chaînes de montage turinoises le 22 octobre 1948 pour laisser la place à l’Aurelia B10 qui lui succède à partir du mois de mars suivant. La production de l’Aprilia s’élève à 27 637 exemplaires (dont 7 555 châssis nus), parmi lesquels 14 704 exemplaires de la première série, auxquels il faut ajouter les 1 620 Ardennes, soit 29 257 unités au total.

La Lancia Aprilia tire son nom de celui d’une ville de la province de Latina bâtie en 1936 dans les marais pontins par le gouvernement mussolinien. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Lancia D.R.

Le catalogue d’après-guerre de l’Aprilia est toujours riche d’élégants cabriolets comme cette version à quatre places réalisée par Pinin Farina en 1949. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Lancia D.R.

Fiche technique

Lancia Aprilia Tipo 238 (1937)

• Moteur : Lancia (type 97), 4 cylindres en V à 18° 8’, longitudinal avant

• Cylindrée : 1 351,74 cm3

• Alésage x course : 72 mm x 83 mm

• Puissance : 47 ch à 4 000 tr/mn

• Alimentation : carburateur simple corps Weber 32 VIM

• Allumage : batterie, bobine et distributeur Marelli

• Distribution : simple arbre à cames en tête, 2 soupapes inclinées en tête par cylindre

• Transmission : aux roues arrière, boîte à 4 rapports synchronisés + M.A.

• Pneumatiques : 140 x 40 (avant et arrière)

• Freins : tambours Lockheed (avant et arrière), commande hydraulique

• Longueur : 395,5 cm

• Largeur : 147 cm

• Hauteur : 145,5 cm

• Empattement : 275 cm

• Voie avant : 128,6 cm

• Voie arrière : 128,6 cm

• Poids (à vide) : 880 kg

• Vitesse maximale : 125 km/h

L’Ardennes

Lorsqu’elle est présentée pour la première fois officiellement au Salon de Paris en octobre 1936, la nouvelle Lancia ne porte pas le nom d’Aprilia qui lui est attribué en Italie, mais celui d’Ardennes. La raison est que pour des droits de douanes élevés, il est prévu de produire ce modèle dans l’usine de Lancia France située à Bonneuil-sur-Marne à partir de pièces mécaniques coulées dans les fonderies ardennaises de Monthermé. Pour une raison non explicitée, l’Ardennes est commercialisée en France dès l’automne 1936, tandis que la version originale italienne ne le sera qu’au milieu de l’année suivante. Les deux productions sont identiques en tous points si ce n’est que les phares Cibié de l’Ardennes sont plus larges que ceux fournis par Carello pour l’Aprilia. Par ailleurs, la codification interne est différente : châssis tipo F38 et moteur tipo 97F pour la Française, contre 238 et 97 pour l’Italienne. Comme pour la version berline produite à Turin, l’Ardennes est également proposée en châssis nu (avec mécanique) pour la réalisation de carrosseries spéciales par des artisans comme Pourtout. Environ 120 exemplaires seront ainsi transformés en cabriolets et coachs.

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