Lancia D24

Rédaction : Albert Lallement  

Une élégante machine de course

Conçue par l’équipe technique de Vittorio Jano, la D24 est un exemple d’ingénierie de pointe, dans la lignée de la grande tradition Lancia, associé à une magnifique ligne de carrosserie signée Pinin Farina.

Il s’agit de la dernière évolution de la série de voitures construites par Lancia au début de 1953 pour participer aux grandes courses de la catégorie Sport. Jusqu’au début des années 1950, Lancia réalise toujours des versions «course» de chacun de ses modèles, sans pourtant s’engager directement avec une écurie officielle. Lorsque le coupé B20 Aurelia GT, piloté par les pilotes privés Bracco et Maglioli, termine 2e aux Mille Miglia de 1951, Gianni Lancia souhaite engager plus officiellement la marque en compétition. Ainsi la Scuderia Lancia est-elle créée en 1952. 

Juan-Manuel Fangio, le vainqueur de la Panamericana de 1953, une course qui est assurément l’une des plus magistrales victoires de la Scuderia Lancia au cours de la décennie. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Lancia D.R.

Epaulé par ses talentueux ingénieurs Vittorio Jano et Francesco De Virgilio, en collaboration avec le service Recherche et développement de la marque, Giannia Lancia décide de construire une voiture spécialement conçue pour la compétition et non plus un dérivé sportif de la série. Toutefois, le changement n’est pas immédiat et la Lancia D20 Coupé Sport carrossée par Pinin Farina, qui est créée en 1953, est encore une évolution de l’Aurelia B20 GT dotée d’une carrosserie en aluminium, tandis que le V6 est d’une plus grosse cylindrée. 

La D24 était particulièrement performante, au point que lorsque Ascari fait un essai en février 1954 sur la piste privée d’Ospedaletti, il réalise les mêmes chronos qu’avec une Ferrari de F1 trois ans plus tôt. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Lancia D.R.

Une lignée majestueuse

Pendant que la D20 est engagée en compétition et obtient des résultats prometteurs, comme la 3e place de Bonetto et Teruzzi aux Mille Miglia de 1953, les techniciens Lancia créent, en partant de la même base, une version ouverte : la D23 Sport Spider. Quatre exemplaires sont réalisés avec un moteur 3 Litres de 217 ch et un essieu De Dion à l’arrière. La D23 devient rapidement une voiture de transition sur laquelle sont expérimentées différentes solutions, puis la nouvelle Lancia D24 Sport Spider est réalisée en un temps record. L’équipe qui en est responsable est composée de ses ingénieurs Ettore Zaccone Mina pour le moteur, Francesco Faleo pour le châssis et Giuseppe Gilio qui est chargé des premiers essais. Le châssis est constitué d’un treillis tubulaire en acier au chrome-molybdène, avec un empattement plus court par rapport à la D23, tandis que la cylindrée du V6 passe de 3 Litres à 3,3 Litres. L’enthousiasme de Gianni Lancia est tel que le développement de la D24 a été réalisé sans tenir compte des coûts. Lorsqu’elle est présentée en juillet 1953, la D24 présente de fait une conception sophistiquée de loin supérieure à tout ce que les constructeurs concurrents produisent à l’époque. 

Aux 12 Heures de Sebring, lors de la deuxième manche du Championnat du Monde de 1954, la Lancia D24 privée pilotée par le Dominicain Porfirio Robirosa Ariza et l’Italien Luigi Valenzano se classe 2e. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © © Lancia D.R.

Une première saison prometteuse 

La première sortie officielle de la Lancia D24 a lieu aux 1 000 km du Nürburgring le 30 août 1953 où les deux voitures engagées pour les équipages Fangio-Bonetto et Taruffi-Manzon abandonnent. Il faut attendre le 27 septembre suivant pour assister à la première victoire de cette voiture, lors de la course de côte de Bologna-Raticosa grâce à Felice Bonetto. La saison 1953 du Championnat du Monde des Voitures de Sport se termine par la Carrera Panamericana, disputée du 19 au 23 novembre sur les routes mexicaines. Cette course, particulièrement éprouvante, qui se déroule sur huit étapes et 3 077 km jouit à l’époque d’un grand prestige et de nombreux constructeurs européens y participent. Pour la 4e édition de 1953, la Lancia engage cinq voitures placées sous la direction sportive d’Attilio Pasquarelli avec l’assistance de vingt mécaniciens. Trois sont des modèles D24 qui sont confiés à Juan Manuel Fangio, Felice Bonetto et Piero Taruffi. Un duel soutenu s’engage entre les pilotes de la Scuderia Lancia et Bonetto trouve la mort dans un accident lors de la troisième étape. Giani Lancia enjoint à ses pilotes de ne plus prendre de risque et trois Lancia franchissent victorieusement la ligne d’arrivée dans cet ordre :  Juan Manuel Fangio, Piero Taruffi et Eugenio Castelotti (sur une D23).

Le 2 mai 1954, Alberto Ascari remporte les Mille Miglia et la presse de l’époque parle de Lancia et du champion italien comme de “Lions” qui ont dominé la course. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Lancia D.R.

Deux victoires triomphales

Lancia débute la saison 1954 avec une 2e place de Valenzano et Rubirosa aux 12 Heures de Sebring le 7 mars, puis par une victoire de Taruffi au Giro de Sicilia le 4 avril. Les 1er et 2 mai a lieu la course des Mille Miglia qui est une épreuve phare du Championnat du Monde des Voitures de Sport. Le parcours de 1 597 km (soit environ 1 000 Miles d’où le nom donné à cette course) forme une boucle, avec départ et arrivée à Brescia dans le nord de l’Italie. L’écurie d’usine Lancia aligne trois voitures pour Taruffi, Castelotti et Ascari. Le mauvais temps va être un handicap pour la tenue de route des puissantes Ferrari données gagnantes et Taruffi prend le commandement de la course à Vérone. À Rome, à la moitié du parcours, Castellotti abandonne sur casse moteur et Taruffi fait une sortie de route. Reste Ascari qui, malgré des soucis mécaniques, se bat âprement pour contenir la Ferrari de Marzotto et remporte magistralement l’épreuve. Le 30 mai suivant, Taruffi remporte La Targa Florio, une autre course prestigieuse et en fin de saison, la firme italienne Lancia termine 2e du Championnat.

Séance de roulage de la nouvelle Lancia D24 aux alentours de l’usine. On remarque que les tambours de freins ne sont pas logés dans les roues, mais in board, afin de réduire les masses non suspendues. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Lancia D.R.

Fiche technique

Lancia D24 Sport Spider (1954)

•  Moteur : Lancia Type D24, 6 cylindres en V à 60°, longitudinal avant

• Cylindrée : 3 284,35 cm3

• Alésage x course : 88 mm x 90 mm

• Puissance : 265 ch à 6 500 tr/mn

• Alimentation : 3 carburateurs double corps verticaux Weber 46 DCF3

• Allumage : 2 magnétos Magneti-Marelli ST 64 DTEM, bobine et distributeur, 2 bougies par cylindre

• Distribution : 2 arbres à cames en tête par banc, 2 soupapes par cylindre

• Transmission : Boîte-pont, aux roues arrière, 5 rapports synchronisés + M.A.

• Pneumatiques : Pirelli Stelvio 6,00 x 16 (avant) et 6,50 x 16 (arrière)

• Freins : tambours (diamètre 380 mm avant et 320 mm arrière), commande hydraulique

• Longueur : 379 cm

• Largeur : 144 cm

• Hauteur : 97 cm

• Empattement : 240 cm

• Voie avant : 129,8 cm

• Voie arrière : 125 cm

• Poids (à vide) : 760 kg

• Vitesse maximale : 265 km/h

“El Maestro”

Juan-Manuel Fangio a peu piloté pour la Scuderia Lancia, mais sa victoire à la Panamericana de 1953 l’a définitivement associé à l’histoire de cette marque. Par ailleurs, il a remporté le Championnat du Monde de Formule 1 avec la Scuderia Ferrari en 1956 ; mais la monoplace qu’il conduisait était bel et bien la Lancia D50 de l’année précédente récupérée par Ferrari lorsque Lancia arrêta la compétition. Né le 24 juin 1911 à Balcarce en Argentine, Fangio était un pilote surdoué, doté d’une résistance à toute épreuve et d’une clairvoyance en course peu commune. Ses talents de mécanicien étaient également un atout majeur pour le développement et les réglages des voitures qui lui étaient confiées. Il a remporté cinq titres de champion du monde de Formule 1, en 1951 (Alfa romeo), 1954 (Maserati), 1955 (Mercedes), 1956 (Ferrari) et 1957 (Maserati), avec 24 victoires sur 51 Grands Prix disputés ! Après sa carrière sportive, Fangio se consacre à son activité de directeur de Mercedes Benz Argentina. Il décède le 17 juillet 1995 à Buenos Aires.

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