Lancia D50

Rédaction : Albert Lallement  

Un bref passage en Formule 1

En 1955, porté par ses succès précédents en catégorie sport, Lancia s’engage dans la discipline reine de la compétition, la Formule 1. Mais l’absence de résultats de la D50 va mettre Lancia en grande difficulté.

La monoplace conçue par l’ingénieur Vittorio Jano est pourtant une merveille de technique avancée, dans la pure tradition des productions de Lancia depuis ses débuts. Très performante, la D50 est cependant particulièrement longue à être mise au point et malgré quelques coups d’éclats sur la piste, elle ne parvient pas à s’imposer en Championnat du Monde. Par ailleurs, en milieu de saison 1955, la Scuderia Lancia perd son pilote fétiche, Alberto Ascari, l’un des artisans de son arrivée en Grands Prix. Une disparition dont elle ne se remettra pas.

La Ferrari D50 avec laquelle Juan-Manuel Fangio sacré Champion du Monde de Formule 1 en 1956 est en fait la monoplace conçue chez Lancia, deux ans plus tôt.  © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Lancia D.R.

Lorsqu’il prend la direction de l’entreprise familiale en 1949, Gianni Lancia, contrairement à son père Vincenzo, souhaite s’engager de façon importante en compétition. Dans ce sens, il charge l’ingénieur Vittorio Jano de mettre sur pied ce qui deviendra en 1952 la Scuderia Lancia. Les succès de l’Aurelia GT, de la B20, puis de la berlinette D20 et la barquette D24, dans les plus grandes épreuves internationales, sont nombreux. Mais les courses en catégories sport bien que riches en résultats techniques, ne représentent qu’une étape pour Lancia qui a pour ultime ambition de participer au Championnat du Monde de Formule 1. Lorsque la Commission Sportive Internationale annonce que pour la saison 1954, le championnat sera ouvert aux monoplaces à moteurs de 2,5 Litres, Lancia décide de se lancer...

Sur cette vue arrière de la monoplace D50 on distingue les réservoirs de carburants logés dans des pontons séparés de la carrosserie. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Lancia D.R.

Quelques grands prix seulement

L’étude d’une monoplace débute en août 1953 sous la direction de Vittorio Jano et, dès février 1954, un prototype roulant est dévoilé dans l’atelier du service course Lancia, Via Caraglio à Turin. Quelques jours plus tard, les premiers essais sont réalisés sur la piste de l’aéroport de Caselle, près de Turin, d’abord aux mains du pilote d’essais maison Giuseppe Gillio, puis d’Alberto Ascari qui a signé son contrat au sein de la Squadra Corse Lancia le 21 janvier, en même temps que Luigi Villoresi. Toutefois, les deux champions ne vont pas piloter la Lancia D50 en course avant plusieurs mois, la voiture étant longue et délicate à mettre au point du fait des solutions techniques innovantes adoptées par Jano. Le premier engagement de la Lancia D50 a lieu au Grand Prix d’Espagne à Barcelone, dernier grand prix de la saison, où Alberto Ascari signe d’emblée la Pole Position, tandis que Villoresi réalise le 5e temps des essais. Après une courte bagarre avec la Maserati d’Harry Schell, Ascari prend la tête de la course, faisant la démonstration magistrale de la maniabilité et de la tenue de route de la D50. Mais l’euphorie est de courte durée car quelques tours plus tard, les deux pilotes Lancia abandonnent sur panne d’embrayage. Entretemps, Ascari a signé le meilleur tour en course. La voiture se présente au Grand Prix d’Argentine en 1955 avec quelques modifications et un empattement allongé. Les trois pilotes engagés, Ascari, Villoresi et Castellotti abandonnent. Lors de la manche suivante, à Monaco, les quatre Lancia alignées pour Castellotti, Villoresi et Chiron terminent 2e, 5e et 6e tandis qu’Ascari termine sa course dans le port alors qu’il était en tête... Le grand champion italien, pilier de la Scuderia Lancia, se tue quelques jours plus tard lors d’essais privés et l’équipe de course se retrouve décapitée. 

Sur cette vue de la monoplace D50 capot ouvert on remarque l’inédite position inclinée du moteur qui est l’une des caractéristiques de cette voiture. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Lancia D.R.

Une seconde carrière

Au milieu de la saison 1955, Lancia décide donc d’abandonner la compétition pour des raisons financières, mais aussi parce que les résultats sont particulièrement décevants malgré une machine performante et une équipe sportive de pointe... Le Grand Prix de Belgique, disputé le 5 juin, est le chant du cygne pour la Scuderia Lancia. Une seule D50 est alignée pour Eugenio Castellotti qui, dans un baroud d’honneur signe la Pole Position, puis abandonne. C’est la dernière apparition d’une Lancia en grand prix, car après la course, Lancia annonce officiellement que la Scuderia ne sera pas présente en F1 la saison suivante. Fort heureusement, cette triste décision ne va pas pour autant mettre un terme à la carrière des performantes D50 qui sont cédées à Enzo Ferrari. Au passage, une importante subvention annuelle est accordée par Fiat qui voit là l’occasion de contrer la domination de Mercedes en F1. C’est également le moyen opportun de pallier le manque de résultats des Ferrari 625 et 554 «Squalo» engagées cette année-là. Ainsi, le 26 juillet 1955, les six châssis D50 construits, le stock de pièces, les plans et tout l’équipement de l’écurie sont transférés à Maranello. Ce matériel est accompagné par les deux principaux ingénieurs course de Lancia, Vittorio Jano et Luigi Bazzi, par l’équipe de mécaniciens, ainsi que les pilotes Eugenio Castellotti et Luigi Villoresi. «Ils pourraient me remercier d’avoir accepté cette poubelle...» aurait alors déclaré Enzo Ferrari. Ce qui était injuste, car dès la saison suivante, le pilote argentin Juan-Manuel Fangio remporte son quatrième titre de Champion du Monde de Formule 1 au volant de la Lancia-Ferrari D50 ! 

La tragique disparition du grand champion Alberto Ascari quelques jours après le Grand Prix de Monaco de 1955 va anéantir l’équipe Lancia. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Lancia D.R.

Au Grand Prix de Monaco de 1955, la Scuderia Lancia est venue en force avec quatre monoplaces D50 alignées. La voiture n° 30 est celle d’Eugenio Castellotti qui terminera 2e. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Lancia D.R.

Fiche technique

Lancia D50 de Formule 1 (1955)

• Moteur : Lancia Type D50, 8 cylindres en V à 90°, longitudinal avant

• Cylindrée : 2 485,9 cm3

• Alésage x course : 76 mm x 68,5 mm

• Puissance : 255 ch à 8 000 tr/mn

• Alimentation : 4 carburateurs double corps inversé Solex 40PII 

• Allumage : 2 magnétos Magneti-Marelli, bobine et distributeur

• Distribution : 2 arbres à cames en tête par banc, 2 soupapes par cylindre

• Transmission : aux roues arrière, boîte-pont à 5 rapports + M.A.

• Pneumatiques : Pirelli 5,50 x 16 (avant) et 6,00 x 16 (arrière)

• Freins : tambours nervurés (avant et arrière), commande hydraulique

• Longueur : 333 cm

• Largeur : 154 cm

• Hauteur : 92 cm

• Empattement : 228 cm

• Voie avant : 129 cm

• Voie arrière : 133 cm

• Poids (à vide) : 600 kg

• Vitesse maximale : 300 km/h

Vittorio Jano

Le maître artisan de l’unique monoplace de Formule 1 produite par Lancia est Vittorio Jano (né le 22 avril 1891) qui est arrivé chez le constructeur turinois fin 1937. Ce brillant ingénieur a précédemment conçu pour Alfa Romeo les moteurs de deux monoplaces particulièrement performantes de l’avant-guerre, la P2 8 cylindres championne du monde en 1923 et la P3 de 1932 qui s’illustrera sous les couleurs de la Scuderia Ferrari au cours des deux saisons suivantes. Pour Alfa, il conçoit également un 6 cylindres en lignes double arbre en tête, très moderne pour son temps, destiné au modèle sportif 6C 1500. Pour Lancia, Vittorio Jano travaille avec Francesco De Virgilio sur les modèles Aurelia et le prototype de la future Flaminia. Parallèlement, il participe à la création de la Scuderia Lancia en 1952. Lorsque Lancia se retire de la compétition en 1955, il rejoint la Scuderia Ferrari où il restera jusqu’à son décès le 13 mars 1965. 

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