Les 141-R à la conquête de la Méditerranée

Auteur :  Clive Lamming

Le « M » du PLM n’est pas celui de Marseille. Beaucoup de gens pensent que PLM veut dire « Paris, Lyon, Marseille », alors que le grand réseau se voulait le chemin de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée, car il avait des vues larges… Quand les 141-R naissent, le PLM a disparu, remplacé en 1938 par la SNCF. La ligne de la Côte d’Azur, qui prolonge celle de Paris à Marseille, offrira aux 141-R un champ d’action exemplaire, puisque son électrification ne se fera que tardivement, durant les années 1965 à 1970.

Placée sur la ligne que l’on appellera « impériale » parce qu’elle suit la rive du même nom sur la rive gauche du Rhône (en souvenir du Saint-Empire romain germanique), Marseille se développe rapidement, d’autant plus que la ligne est prolongée jusqu’à Nice en 1864 et Vintimille en 1869. En 1938, par exemple, année où le port de la Joliette est en plein travaux d’agrandissement et de transformation, le trafic est 10 fois plus important que celui des années 1850, avec 900 000 voyageurs et 10 millions de tonnes de marchandises transitant chaque année. 

La magnifique gare de Nice-ville est ouverte en 1864. Ce chef-d’œuvre de l’architecte Louis-Jules Bouchot est implanté sur l’avenue Thiers, d’où son nom de « gare Thiers » pour les Niçois. Elle est dans le style dit « espagnol » que l’on retrouve, par exemple, à Valenciennes.© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

Les gares innombrables de Marseille 

La gare de Marseille Saint-Charles est au cœur du système ferroviaire de la grande ville. Comme elle est en cul-de-sac pour permettre son implantation au plus près de l’ancienne ville située dans un site accidenté, cette gare impose un arrêt et un rebroussement avec départ en sens inverse à tous les trains des grandes lignes desservant Marseille. C’est toujours le cas aujourd’hui pour les TGV de Paris à Nice faisant un arrêt à Marseille. Du temps de la vapeur et des 141-R et des 241-P, cette situation n’était pas spécifiquement gênante dans la mesure où, de toute manière, un changement de locomotive était nécessaire, et la manœuvre était même assez rapide, car la locomotive fournie par le dépôt de Blancarde pouvait être mise immédiatement en queue de rame pour le départ en sens inverse, laissant la locomotive venant de Valence ou d’Arles dégager ensuite la voie à quai. 

Marseille-Arenc est une des plus grandes gares de petite vitesse du Réseau PLM pendant les années 1930 à 1950, grâce à ses annexes dites de « Joliette-Docks » et de « Voies des quais ». Elle dessert les différents bassins du port, et elle assure le transit avec les compagnies maritimes tout en étant une gare locale pour les industriels de toute la zone nord de l’agglomération marseillaise. Elle est aussi une importante gare de voyageurs concernée par le trafic de ce que l’on appelait à l’époque l’Outremer. Ses trains vont, sur les môles, assurer le service des paquebots desservant l’Algérie (Compagnie Générale Transatlantique), le Maroc (Compagnie Paquet), le Proche et l’Extrême-Orient (Messageries Maritimes), l’Inde et l’Australie (Compagnie Péninsulaire et Orientale). Enfin, c’est encore à Marseille-Arenc qu’arrivent les primeurs de l’Afrique du Nord qui en font ainsi un des plus gros centres français d’expéditions de légumes et de fruits.

Le pont de La Voulte, sur la rive droite du Rhône, est le premier pont SNCF nouvellement construit après la Seconde Guerre mondiale, et relie directement la gare de La Voulte à celle de Livron (rive gauche). Ce pont marque le renouvellement du réseau français et l’introduction massive du béton armé.© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

La fin du règne des 141-R sur la Côte d’Azur

Dans la région Méditerranée des années 1960, les 141-R restent l’unique série vapeur en service. L’électrification Marseille-Les Arcs coupe la traction vapeur du reste de la région et du dépôt de Nice dont les 141-R sont même interdites dans le nouveau souterrain de Monte-Carlo. Le dépôt de Marseille-Blancarde, qui fut très actif en traction vapeur, n’assure plus que quelques trains de marchandises en direction de la ligne des Alpes, jusqu’à Veynes et sur la ligne de la côte de l’Estaque vers Port-de-Bouc et Miramas.

Sur la ligne de Miramas, l’étonnant pont pivotant de l’étang de Caronte permet le passage des navires de mer dont la hauteur aurait demandé avec un pont fixe de trop nombreux kilomètres de ligne sur remblai.

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Le très intéressant plan des installations ferroviaires de Marseille, paru en 1955 dans Géographie des Chemins de fer de Henri Lartilleux, montre la complexité du système marseillais. Les gares de St-Charles, La Joliette ou du Vieux port sont notamment en cul-de-sac. 

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Le plan SNCF des voies de l’ensemble St-Charles et Blancarde montre que les trains allant de Paris à Nice ne peuvent desservir Marseille, sinon au prix d’un rebroussement dans la gare de St-Charles qui est en cul-de-sac. Ce sera un très grave inconvénient qui perdure aujourd’hui.

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AILLEURS, À LA MÊME ÉPOQUE

La « Kriegslok » : l’effort de guerre jusqu’au bout des larmes

Cette locomotive allemande du type 150 est née de l’effort de guerre allemand, époque où l’urgence des besoins militaires a poussé les constructeurs de locomotives à refuser le classicisme des études prolongées pour faire « au plus vite » des locomotives simplifiées. 

La «52», une locomotive différente des autres 

Les besoins militaires de l’Allemagne nationale-socialiste sont tels qu’il leur faut une locomotive capable de remorquer des trains pesant jusqu’à 1 200 tonnes, et roulant à une vitesse de 65 km/h. Ces locomotives forment la série 52.

Construite à environ 6 400 exemplaires dès les premiers mois, la « Kriegslok » reste la série la plus nombreuse au monde avec plus de 7 000 exemplaires si l’on compte la totalité de la production dans les pays occupés.

Toutes les pièces non indispensables sont supprimées : les échelles d’accès ou les systèmes perfectionnés comme des servomoteurs. On supprimera également les surchauffeurs, ou encore certains indicateurs dans la cabine. Les bielles sont faites de deux profilés en «T» soudés ensemble sur toute leur longueur pour donner un «H» : une audace simplificatrice qui aurait donné des sueurs froides aux ingénieurs des temps de paix. Le châssis est en tôle soudée : on oublie les longerons en barres d’acier ou le châssis en acier moulé. Ces locomotives sont tellement simples qu’elles peuvent être assemblées par n’importe quelle firme non spécialisée, et elles seront montées « en kit » partout en Allemagne. 

La fameuse « Kriegslok » allemande, ou série 52, dans toute sa puissance et aussi son dénuement, puisqu’elle est privée de nombreux accessoires comme les échelles ou les rambardes. Ces 7 000 locomotives feront espérer la victoire.© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

TOUTE UNE ÉPOQUE

Très belle scène d’époque, années 1948-1950, quand les voitures carénées dites « DEV » ou « Forestier » entrent en service sur les grandes lignes. Tout le monde, ou presque, porte un chapeau ou un foulard, sauf un beau jeune homme aux épaules larges et à la chemise voyante dont la chevelure, merci Roja, doit beaucoup à la brillantine.© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

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