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1 340 locomotives de 200 000 tonnes pour un voyage de 6 000 km
1 340 locomotives de 200 000 tonnes pour un voyage de 6 000 km
Voilà les chiffres pour la plus grande opération de transport de locomotives neuves dans l’histoire des chemins de fer. Le Ministère de la Marine marchande français de l’époque fait confiance à un organisme mondial, le United Maritime Authority, qui va planifier l’opération.
Une rare vue du déchargement d’une 141-R à Cherbourg, en 1946, avec les « mâts de charge » du navire « Belpareil » qui assument la centaine de tonnes de la locomotive. On remarque que la cabine est dépourvue de sa « prolonge » de toiture et fermée par une épaisse plaque de contreplaqué. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming
Seuls quatre ports français peuvent faire face au défi
Détruits par la guerre, la presque totalité des ports français ne pourra accueillir les navires. Seuls Marseille (pour 276 locomotives et tenders), Cherbourg (793) et Saint-Nazaire (139) peuvent assurer le déchargement, car ils possèdent d’immenses grues flottantes pouvant soulever de 150 à 180 tonnes.
Le port belge d’Anvers participera aussi au déchargement, et ses locomotives arriveront en France en roulant sur les réseaux SNCB et SNCF. Quelques navires type « Bel » purent accoster au Havre (90 locomotives et tenders). La 141-R-466 est la première à rouler sur le sol français à Marseille, le 17 novembre 1945, couverte de drapeaux tricolores.
Les 141-R sont soulevées d’une seule pièce avec interposition d’une poutre d’équilibrage. Le 1er mars 1946, 260 locomotives et leurs tenders sont débarqués. Deux ans plus tard, l’opération est terminée.
N’oublions pas que 17 locomotives et leurs tenders, les 141-R-1220 à 1235, plus la 141-R-1241, sont toujours au fond de l’Atlantique dans la coque du « Belpamela », suite à une tempête très violente au large de Terre-Neuve. On dit qu’il y en a « quelques-unes » aussi dans le port de Marseille.
Le débarquement de la première 141-R à Marseille, la 141-R-466, le 17 novembre 1945. La locomotive est très abondamment pavoisée. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming
Vue de ce que l’on appelle une belle « pontée » de 141-R, prise sur le navire « Belpamela » à son arrivée au Havre, le 27 novembre 1946. Sur la droite, des tenders à fuel. On notera le démontage, mais pas systématique, des fragiles « chapeaux de dôme » en tôle qui craignent le transport et surtout le « grutage ». © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming
Le voyage entre les ports et les dépôts
Les locomotives arrivent déjà immatriculées et affectées aux différentes régions. Leur préparation et leur achèvement se font dans les grands ateliers régionaux (Épernay, Bischheim, Sotteville-lès-Rouen, etc.) et non dans leurs dépôts, ce qui demande un acheminement collectif par des « trains de locomotives » remorquées par une locomotive déjà en service.
ll faut dire que les locomotives ont fait leur voyage débiellées, avec la cheminée fermée pour éviter que l’humidité de la mer n’envahisse les tubes des chaudières, tandis que les cabines de conduite sont fermées par l’arrière grâce à une paroi provisoire en planches. Elles n’ont donc pas encore leur prolonge de toit qui protège la plateforme de conduite : cette prolonge sera montée par les grands ateliers. Il faudra ensuite monter les bielles, un indicateur-enregistreur de vitesse (ou « mouchard »), les conduites et tubulures extérieures sur la chaudière démontées pour permettre le « grutage » dans les ports. Bref, le travail de préparation ne manque pas et demande plusieurs jours avant la mise en service très attendue.
Déchargement à Anvers en 1945 d’une 141-R avec un « ponton-grue » militaire américain flottant entre le navire « Vedby » et le quai. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming
À Anvers, en 1945, sur le navire « Vedby ». Les 141-R et les tenders attendent leur déchargement. À gauche, une poutre de levage est posée sur une locomotive. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming
AILLEURS, À LA MÊME ÉPOQUE
La locomotive dont rêvait le IIIe Reich
Le milieu des années 1930 est l’époque d’un véritable apogée pour les chemins de fer allemands : déjà durant l’entre-deux-guerres, le pouvoir national-socialiste avait fait des autoroutes une image de marque forte.
La vitesse, symbole du progrès allemand
Les autorails Diesel très rapides comme le « Fliegender Hamburger » roulent à 160 km/h et réalisent des moyennes de plus de 120 km/h entre Hambourg et Berlin ! Ils sont remarqués dans le monde entier à l’époque. Ce n’est pas le cas des trains classiques, et les ingénieurs allemands pensent que la traction vapeur, avec des bonnes voies et du matériel remorqué léger, est apte elle aussi à atteindre de grandes vitesses.
En 1934, la « Deustche Reichsbahn » commande au constructeur Borsig une locomotive du type 232, série 05, capable d’atteindre 175 km/h avec un train de 250 tonnes. Elle est dotée d’une chaudière exceptionnelle. Les roues motrices ont un diamètre très important avec 2 300 mm. Trois locomotives sont construites : les 05001, 05002 et 05003.
La superbe 05-001 carénée, première de la série 05, chef-d’œuvre du constructeur Borsig, est essayée en juin 1935 entre Hambourg et Berlin. Sauvée des destructions de la guerre, elle est préservée au musée de Nuremberg et sera adulée pendant les années 1950-1960. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming
La 05001 aura-t-elle une descendance ?
La 05001 est essayée en juin 1935 entre Hambourg et Berlin et elle atteint 200,7 km/h avec un train de 205 tonnes : la puissance atteinte est de 3 137 ch. Mais le rendement est très faible car l’ensemble locomotive et tender absorbe à 200 km/h la presque totalité de la puissance. Cet essai montre que la pratique des grandes vitesses demande beaucoup d’énergie. Le Reich en restera là, mais la 05001 a été sauvée de la destruction : elle est aujourd’hui exposée au Musée de Nuremberg.
TOUTE UNE ÉPOQUE
La SNCF des années 1950 se voit dotée de bâtiments-voyageurs neufs dans le cadre des réparations d’après-guerre, comme ici à Épône-Mezières. Le chef de gare lève le « guidon »
et prépare son sifflet pour donner le départ : le conducteur du vieux VH-Renault, datant de 1933, rêve déjà d’un bel autorail X-4300/4500 « moderne » mais il faudra attendre jusqu’en 1963. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming