Les 141-R et les trains de marchandises

Auteur :  Clive Lamming

C’est surtout avec les trains de marchandises des années 1940 à 1970 que les 141-R vont faire la preuve de leurs qualités ; elles vont alors montrer que le régime dit de la « banalité » des équipes de conduite, passant d’une locomotive à une autre en fonction des exigences du service, est bien une réalité tout à fait possible dans une France où les équipes sont jalousement « titulaires » de leur locomotive.

Les qualités des 141 les rendent propices aux marchandises. La première caractéristique est le grand volume des chaudières donnant une vaporisation abondante et permettant le « décollage » facile des trains de marchandises qui sont, surtout à l’époque, très lourds et « mauvais rouleurs ». Les chaudières sont aussi par leur volume particulièrement aptes au traitement des eaux dit « TIA » (traitement intégral Armand, du nom de son ingénieur).

La seconde caractéristique est un châssis indéformable avec ses « coins de rattrapage de jeu » automatiques permettant de longs parcours sans vérification. 

Les 141-R se retrouvent, sur le réseau français, comme « bonnes à tout faire », mais le « tout » sera essentiellement d’innombrables trains de marchandises, longs et lourds, qui sont la seule solution pour redémarrer l’économie nationale. Ici un train de primeurs qu’il faut accélérer sans perdre de temps.© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

La troisième caractéristique est le graissage mécanique automatique généralisé sur la locomotive, ce qui permet de longs parcours sans souci de surveillance et d’interventions, sans risque d’échauffements voire de pannes.

La quatrième caractéristique est un appareillage auxiliaire simple et robuste, et qui est d’un fonctionnement sûr avec un entretien peu onéreux. Les pompes d’alimentation en eau, les réchauffeurs d’eau, les injecteurs, les compresseurs, et même les turbodynamo sont mécaniquement robustes, simples, sûrs, et créent un climat de confiance et d’efficacité parmi les équipes de conduite ainsi qu’auprès des équipes d’entretien des ateliers.

Une 141-R, en plein effort, en tête d’un lourd train sur la rampe de St-André-le-Gaz à Chabons, près de Grenoble. Cliché pris en 1967 par le regretté Yves Broncard, grand auteur et photographe ferroviaire. Le fourgon « M » est derrière le tender, pour le chef de train.© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

Les caractéristiques des trains de marchandises que tirent les 141-R 

Ces trains peuvent atteindre des poids de l’ordre de 1 500 à 1 800 tonnes (soit jusqu’au double des poids habituels) et les 141-R peuvent les tirer en palier à 60 ou 70 km/h. Pour ce qui est des trains de messageries, qui doivent être plus rapides, les 141-R peuvent leurassurer une vitesse de 100 km/h avec un poids de 800 tonnes, ce qui, tout compte fait, est ce que font les 141-R avec des trains de voyageurs express.

Les parcours kilométriques journaliers des 141-R, dès les premières années de leur mise en service, s’avèrent bien au-dessus de ceux des locomotives des séries d’avant-guerre. En décembre 1945 au dépôt de Châlons ou de Blainville, d’après M. Collardey et M. Rasserie, les moyennes journalières atteignent 190 km et même dépassent 200 km dans un grand nombre de dépôts : soit un kilométrage qui est environ le double des machines SNCF d’avant-guerre. Toutefois, les fameuses locomotives 141-P de la SNCF, étudiées pendant la Seconde Guerre mondiale, sauront se montrer plus puissantes que les 141-R avec leur 100 km/h, en dépassant facilement 3 200 ou 3 300 chevaux-vapeur. Les 141-R, elles, sont toujours restées en dessous de 2 900 chevaux-vapeur. Les « P » ont donc pu enlever des trains de marchandises plus lourds que les « R ».

Un train de marchandises dit RO (pour « Régime ordinaire », anciennement « Petite vitesse ») avec ses wagons tous différents et affrétés à l’unité et partiellement remplis. C’est l’époque où, pour la « France  profonde », le chemin de fer et la 141-R assurent tous les transports.© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

Les 141-R « pétrolières » sont plus performantes que les « charbonnières » 

Un autre fait est à signaler dans le monde surprenant des 141-R : les machines transformées ou construites pour la chauffe au fuel, reçoivent des améliorations concernant leur roulement (roues Boxpok, boîtes à rouleaux aux essieux moteurs, etc.) et surtout se permettent une autonomie de 700 km ; soit le double sinon le triple de celle des machines à charbon qui parviennent quand même à une autonomie de 400 km déjà remarquable. On verra ainsi de nombreuses 141-R assurer des trains de marchandises rapides au long parcours avec le même brio que pour les trains de voyageurs express.

AILLEURS, À LA MÊME ÉPOQUE

Les locomotives de la série 111 à 400 du PLM

La disposition d’essieux type 121 est assez courante, vers la fin du xixe siècle. Cette disposition, toutefois, n’apporta pas de grandes satisfactions, surtout dans le domaine de la stabilité. Mais les 111 à 400 du PLM apporteront une certaine dynamique, préparant le réseau aux locomotives de grande vitesse de type 220. 

Le succès en France du type 121

C’est bien à l’ingénieur Forquenot, du réseau du PO, que l’on doit le développement du type 121 à partir du type 120. Les locomotives PLM série 111 à 141 sortent des ateliers de Paris et d’Oullins à partir de 1879 et seront construites jusqu’en 1884. Pour des locomotives pesant 52,4 tonnes, roulant à 90 km/h, équipées d’une chaudière timbrée à 11 kg/cm2, le diamètre de leurs roues motrices est réduit à 2 mètres au lieu des 2,10 mètres d’origine.

La ligne élégante et très Belle Époque de la 111-400 fait déjà impression à la fin du xixe siècle. L’absence de bogie avant sera un manque à la fois technique et esthétique auquel le PLM sera bien obligé d’apporter une solution peu avant 1900 avec les fameuses 220 « Coupe-vent ».© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

Leur carrière

Pendant la première dizaine d’années de leur existence, de 1879 à 1889, ces machines sont les plus utilisées par le PLM pour la remorque des trains express, mais dès la décennie des années 1890 leur règne prend fin, à cause de l’apparition des locomotives de type 220. Vers 1910, elles ne sont plus au service des voyageurs des trains dits désormais « rapides ». 

Une 111-400 en tête d’un train de voyageurs régional, sur la Côte d’Azur, vers 1910. Le train est formé de voitures de types différents et on note un manque d’unité. La voie et le viaduc témoignent d’une construction soignée : la Côte d’Azur et son tourisme naissant avaient besoin de leur chemin de fer. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

TOUTE UNE ÉPOQUE

Des très beaux trains circulent lors de l’âge d’or des 141-R qui en sont exclues pour leur 105 km/ h trop modestes. Ici les belles voitures DEV en acier inoxydable du Mistral attendent leur 241-P à la gare de Lyon qui assurera un bon 120 km/h. On voit, avec les caténaires, que déjà les 2D2 électriques permettent un 140 km/h. Les 141-R pourront toutefois assurer des trains de luxe entre Marseille et Nice où le tracé sinueux de la ligne impose un paisible 100 km/h.© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

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