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La conduite des 141-R
La conduite des 141-R
Les anciens « mécanos » de la SNCF le disent : dans les ouvrages techniques et les notices, les « R » occupaient peu de place. En effet, les 141-R ont bénéficié d’une simplification très poussée et la dimension humaine et rassurante de leur conduite, aidée par des automatismes, en a fait des machines générant peu de problèmes. C’est ce qui caractérisa ces locomotives conçues dans un autre pays que la France.
L’équipe de conduite de la 141-R-148 sur la région Nord de la SNCF, sans doute au dépôt de Calais. Nous sommes en 1964. Le mécanicien est à son poste. Le chauffeur est venu poser pour le photographe. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Cliché Néel.
Nées pour la « banalité »
Ces locomotives ont été développées dans un pays où règne ce que l’on appelle la « banalité » ou la « banalisation » (selon les auteurs) des locomotives. Ce qui veut dire qu’elles sont conduites par des équipes de conduite différentes selon les roulements et les horaires. Cette pratique est totalement opposée à celle du « ménage à trois » composé de la locomotive, du mécanicien et du chauffeur qui sont « mariés à vie » ! L’équipe est « titulaire » de sa locomotive, ne connaît qu’elle, et si la machine est à l’atelier, son équipe est au repos et l’attend. L’équipe connait si bien sa locomotive qu’il en devine tous les aspects ; il la soigne d’autant plus que les primes d’économie de charbon ou d’huile sont liées à sa locomotive. Ce système, traditionnel en Europe, donne des équipes « responsables » dirait-on aujourd’hui, des locomotives pratiquement sans panne, mais, aussi des locomotives qui roulent moins. Aux USA, tout le monde conduit tout, et le rendement des locomotives est très élevé car elles circulent sans arrêt avec des équipes qui se relaient. À ce titre, les « R » seront peu aimées, voire méprisées et surnommées les « putes » par les anciens mécaniciens qui, à la Libération, ont connu des temps autres, celui des anciennes compagnies et des locomotives à équipes titulaires. Ils en ont la nostalgie…
Locomotives type 141-R-1 à 141-R-1340 comme posant face à face avant un dernier combat. Nous sommes au dépôt de Vierzon en 1965. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Document Yves Machefert-Tassin.
Des automatismes en grand nombre
Toute l’alimentation de la 141-R se faisait automatiquement, ce qui était inconnu sur les locomotives françaises : commande unique eau-vapeur sur l’injecteur, prise de vapeur commune pour la pompe à eau chaude et la turbine à eau froide, un système d’alimentation américain Worthington simple et automatique. Pas d’injecteur Giffard Metcalfe, ou Fridmann, pas de pompe Dabeg à savoir manier d’une main experte, un foyer très largement dimensionné qui acceptait tous les charbons même les plus mauvais et un « stocker » qui se chargeait d’alimenter automatiquement le foyer avec ce charbon. Et ce, même s’il fallait parfois corriger la répartition du charbon d’un ou deux coups de pelle. Pour les « R » marchant au fuel, l’automatisation était encore plus poussée : les brûleurs remplaçant le foyer étaient alimentés automatiquement, d’une manière qui se révélera en plus très économique. C’est la fin des manutentions de scories, des opérations de stockage et de chargement, même si le fuel demande d’être stocké et maintenu chauffé par le dépôt. La marche au fuel fera de la « R » la reine des dernières locomotives à vapeur par sa simplicité de fonctionnement, sa disponibilité permanente et sa grande autonomie. La traction diesel, de toutes manières, reprendra à son service toutes les installations de stockage, chauffage, distribution du fuel des 141-R. Ce legs sera, de la part des 141-R fuel, leur dernier cadeau, leur dernière élégance.
Très intéressante comparaison entre les « devantures » d’une locomotive 141-R à charbon (à gauche) et au fuel (à droite), d’après un rare document d’instructions SNCF. Beaucoup de différences sont à remarquer, la principale étant la suppression du « stoker » à charbon et son remplacement par un ensemble de commandes destinées au chauffeur.© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming
AILLEURS, À LA MÊME ÉPOQUE
La « Mallard » : la star la plus rapide de son temps
Cette belle anglaise, une « Pacific » de la série des « A4 », naît en 1935, et trouve autour d’elle un pays encore à son apogée, notamment en matière de chemin de fer. Conçue par Nigel Gresley pour le réseau du « London & North Eastern Railway » qui dessert l’Écosse par la côte Est, elle va devenir la locomotive à vapeur la plus rapide du monde.
Belles, mais nerveuses
Les « A4 » Mallard furent mises en tête des grands trains rapides Londres-Newcastle ou Londres-Edimbourg et se firent remarquer dans ce dur service dont chaque seconde comptait pour gagner du temps. Avec une nervosité exceptionnelle au démarrage (voire des patinages tellement elles étaient puissantes), elles sont capables de tenir, pendant les six heures du trajet, des vitesses de l’ordre de 160 ou 170 km/h. Le tender est équipé d’un soufflet permettant à une équipe de conduite de rechange, postée dans la première voiture du train, de venir relayer l’équipe qui conduit depuis le départ. Le LNER a même recours à deux tenders par locomotive pour augmenter encore l’autonomie de marche et offrir un service direct, sans arrêt, sur les 600 km du parcours : un record mondial de marche sans arrêt en traction vapeur.
La locomotive « Mallard » type 231 N°4468 du London & North Eastern Railway lors de son record en 1935. Seul le grand peintre ferroviaire anglais Terence Cuneo pouvait restituer, avec une rare maîtrise, la grandeur et la beauté de l’événement.© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming
L’exploit de Messieurs Duddington et Ray
En 1938, la «Mallard» fera parler d’elle en roulant en tête d’un train à 202 km/h dans la pente à 5 pour 1 000 de Stoke Bank, près de Peterborough. Sous la conduite du mécanicien Duddington et du chauffeur Bray du dépôt de Doncaster, la locomotive Mallard a atteint une vitesse qui restera inégalée dans l’histoire de la traction vapeur si l’on en croit les Anglais… mais elle finira par être dépassée aux USA.
TOUTE UNE ÉPOQUE
Beaux dimanches en famille dans les années 1950 : on va admirer le lieu de travail du « chef » (à tous les sens du terme) de famille. Ici aux « ateliers PO » des automotrices de banlieue, peut-être à Vitry. On notera la culotte courte obligatoire et les chaussettes blanches (qui tombent) pour les garçons. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Document HM. Petiet.