À la découverte de la 141-R aux USA

Auteur :  Clive Lamming

L’état du réseau français est tel, à la Libération, qu’il est impensable de l’exploiter sans un apport massif et sans précédent de locomotives neuves. Sur les 17 259 locomotives que possède la SNCF en 1938, l’occupant a « emprunté » 2 946 pour les besoins du réseau allemand et il en reste environ 6 000 qui sont en état de rouler.

Le reste, environ 10 000 locomotives, a été détruit par faits de guerre, ou est en attente de réparation pour une durée indéterminée, faute de pièces ou d’outils, voire pour cause d’ateliers détruits. Dès le 15 mai 1944, une mission française débarque à New York, menée par René Mayer, ministre et un des fondateurs de la SNCF en 1937. L’industrie américaine et canadienne est alors la seule au monde capable de produire 250 à 300 locomotives par mois. À cette même époque,  on pense à étudier un type 141 ou « Mikado » qui est une locomotive mixte apte à tout faire avec des performances moyennes mais satisfaisantes au vu de l’urgence des besoins. Ce nombre sera toutefois limité à 1 340 locomotives, machines à simple expansion, car les firmes américaines et canadiennes ont déjà des carnets de commande bien remplis. 

Les voici enfin, ces « belles Américaines » et il ne s’agit pas d’automobiles, bien que ces locomotives soient l’équivalent ferroviaire de la fameuse Jeep de l’armée des USA. La traverse de tamponnement, la porte de boîte à fumée et les écrans en font presque des Françaises. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

Les choix définitifs de la deuxième mission

Une deuxième mission, formée d’ingénieurs de la SNCF dirigée par Léguillé, Chef de la Division du Matériel de la région et comptant des dessinateurs de la Direction des Études de Locomotives (DEL) de la SNCF, part aux USA en décembre 1944 et définit ce qui sera la 141-R. Ce sera une locomotive simple, robuste, aux pièces largement et solidement dimensionnées, aux organes d’entretien commodes et peu coûteux. Ce seront surtout des locomotives faciles à conduire permettant le « service en banalité », c’est à dire sans équipe titulaire et pouvant être conduites en 3 x 8 par différentes équipes en continu. 

Les Américains sont connus pour fabriquer des locomotives selon ces impératifs. Mais la mission française aura la charge d’augmenter ces caractéristiques américaines en demandant un foyer débordant et en acier, un chargeur mécanique (ou « stoker »), des roues à corps en acier moulé, un graissage à l’huile au lieu de la graisse, des graisseurs actionnés par des « épinglettes », un servomoteur pour le changement de marche, ou encore un rayon d’inscription en courbe minimal encore plus abaissé, passant des 105 m américains habituels à un 81 m : ce qui est inédit pour une locomotive de ce poids et de cette longueur. D’autres perfectionnements inconnus en France viendront faire école avec les 141-R, comme une confortable cabine de conduite à l’américaine bien fermée et offrant des sièges.

Seulement six mois après le démarrage des études, soit le 10 juillet 1945, la première 141-R sort des usines de la Lima Locomotive Works. En avril 1946, les 700 locomotives dites de la première tranche sont prêtes à rouler. Durant l’été de 1947, les 141-R 700 à 1220 sont livrées : une incroyable rapidité de production en série !

Une « R » bien courante, mais ici en variante roues motrices à rayons (sauf le 3e essieu avec roues américaines « Boxpok ») et bissel arrière Cole. Version noire avec tender fuel. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

Il existe déjà aux USA de très nombreux types de 140 ou 141 lorsque la mission française se rend aux USA. Aucun type précis ne sera reproduit et la 141-R, inspirée par ces 140 ou 141, demandera une fabrication spéciale car elle a de nombreux équipements de type français. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

Un des schémas officiels de l’époque, sous sa forme « cotée » en millimètres, diffusé par la SNCF pour identification par les agents. Le tender est une version charbon (à gauche) ou fuel et coupe (à droite).© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

AILLEURS, À LA MÊME ÉPOQUE

La 132 autrichienne, le magnifique chef-d'oeuvre de Carl Gölsdorf

Pays de montagnes, l’Autriche se doit d’offrir aux grands trains internationaux qui la traversent, des performances équivalentes à celles des réseaux des pays de plaine pour ne pas en réduire la vitesse. Mais l’empire austro-hongrois laisse en héritage un réseau aux voies médiocres, et il faut donc construire des locomotives à la fois puissantes, mais légères.

Gölsdorf et le problème autrichien

L’ingénieur Carl Gölsdorf (1861-1906) toutefois ne peut reconstruire les lignes austro-hongroises : il est ingénieur, chargé de la conception des locomotives. Et c’est par le biais de l’augmentation de la puissance des locomotives qu’il va résoudre le problème et parvenir à offrir, sur le réseau austro-hongrois, des performances à la hauteur.

En 1893, il crée une remarquable type 220, aussi performante que les 220 des autres réseaux européens qui sont beaucoup plus lourdes. Mais quand il faut passer à la locomotive type « Pacific », il faut bien accroître le poids pour disposer de la puissance de traction. 

Et c’est là que Karl Gölsdorf  montre ses capacités d’innovation : il inverse tout simplement le type « Pacific » ou 231 pour en faire une 132. Cette disposition d’essieux place sous le foyer, partie très lourde de la locomotive, deux essieux porteurs au lieu d’un seul et donc diminue la charge par essieu. Puis quand il faudra encore plus de puissance pour tirer de grands trains internationaux comme l’ « Orient-Express », au lieu de créer une « Mountain » 241, l’ingénieur Adolph Giesl, disciple de Gölsdorf, créera une magnifique 142 qui sera une réussite.

L’« Orient-Express » dans toute sa splendeur, bleu uni, remorqué par une 132 série 310 Gölsdorf de 1911. Quatre voitures et deux fourgons sont la limite permise par ces locomotives. Dans les années 1950, la composition est toujours la même. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

La magnifique type 142, série 214, faite en 1928 dans l’esprit Gölsdorf par son élève Adolphe Giesl. Cette machine est la seule autrichienne capable de tirer des trains rapides et lourds sur les dures rampes des Balkans. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

TOUTE UNE ÉPOQUE

Ambiance douce et silencieuse à bord du « train sur pneus » Paris-Strasbourg que la SNCF essaie en 1950. Le roulement désastreux des pneus qui « collent aux rails »décourage les locomotives les plus puissantes et met rapidement fin à l’existence de ce train et de tout ce qui roule sur des pneus sur rails. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

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