Les 141-R dans les régions Est et Nord de la France

Auteur : Clive Lamming

Conséquence du manque cruel de locomotives, la région Est sera la première dotée de locomotives 141-R qui seront toutes affectées au trafic des marchandises. Châlons est le premier dépôt français à recevoir des 141-R qui sont engagées sur les lignes 1 et 10 du réseau, roulant entre Vaires-Triage, Pantin, Nancy, Blainville, Metz, Reims et Culmont-Chalindrey.

Peu après, le dépôt de Blainville assurera des trains de marchandises directs (Régime Accéléré ou RA, et aussi Régime Ordinaire RO) vers Hausbergen, Conflans et Metz où ils seront retriés. Quant au dépôt de Blainville, il fournira aussi des 141-R pour la ligne de Dijon par Toul, Neufchâteau et Culmont-Chalindrey. Le manque de locomotives du type « Pacific », et en attendant la livraison de 141-P neuves en cours de construction, conduit la région Est à faire des exceptions en affectant des 141-R à des trains de voyageurs Lyon-Dijon au moins jusqu’à Reims. On verra aussi des 141-R au dépôt de Mulhouse-Nord assurant des trains de marchandises du Régime Ordinaire (RO) vers Bâle, Belfiort, Culmont-Chalindrey, Dijon et Hausbergen.

Une vue impressionnante des installations de Longueau dans la région Nord, dans les années 1960. Jouxtant les deux triages, le dépôt est sur la droite. Tout à fait à droite, on devine les premières maisons de la « cité cheminote » et leurs jardins.© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

Les 141-R dans la région Nord

On s’en doute, dans la région Nord, les braves américains « iront au charbon » dans tous les sens du terme, car un énorme trafic de charbon les attend dans une France qui ignore encore tout de l’« atomique » et produit son électricité dans des centrales thermiques. Leur travail se fera principalement entre les bassins miniers et la région parisienne et via la ligne desservant Montdidier, Verberie, Ormoy-Villers. Les locomotives des dépôts de Longueau, Béthune, Somain, Lille-Délivrance sont remarquées au triage du Bourget, ou passent à Valenton sur la Grande Ceinture tandis que les locomotives du dépôt du Bourget « montent dans le Nord » ou prennent en charge des trains de messageries à longue distance depuis Juvisy ou La Chapelle (Paris). Les 141-R de Tergnier circulent sur la fameuse ligne de Belgique et passent à Creil, Jeumont, Feignies, mais fréquentent aussi la grande transversale Amiens-Laon-Reims et on les voit à Busigny, Cambrai, Somain, Valenciennes.

La 141-R N° 186 au travail dans la région Nord. La composition du train de marchandises, avec ses wagons archaïques datant des anciennes compagnies, montre l’urgence de leur remplacement qui ne se fera pas avant une vingtaine d’années. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

Peu à peu, la région Nord retrouvera ses grosses et puissantes « charbonnières » des types 150-B et 150-P, tandis que la région Est retrouvera ses grosses locomotives-tender type 151 soit revenues d’Allemagne, soit réparées, soit construites. La rénovation du parc de wagons à marchandises reste urgente, mais se fera attendre. Entrant dans la composition de ces trains, on verra de nombreux wagons d’un type dépassé, avec leur guérites pour serre-freins datant d’un tout autre temps.

Le site de Longueau en 1966 d’après un document d’époque de la SNCF. La complexité et l’immensité de ces triages reste inimaginable quand on voit ce qu’ils sont devenus aujourd’hui ; la plupart ayant purement et simplement disparu.© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

La carte des grands triages du « RO » (régime ordinaire) de la SNCF en 1960. Le camion, qui a retrouvé son pétrole et ses pneus après la guerre, n’a pas encore tué le trafic marchandises du réseau ferré national. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

Le triage et les ateliers de Tergnier, un autre de ces grands nœuds ferroviaires que les 141-R ont servi. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

AILLEURS, À LA MÊME ÉPOQUE

La Pacific lMS « Duchess »

Avec ces brillantes et puissantes Pacific « Duchess », l’art anglais en matière de locomotives à vapeur atteint son sommet à la fin des années 1930. Elles seront les locomotives pour trains de voyageurs express les plus rapides jamais utilisées en Grande-Bretagne.

Signées de la griffe réputée de William Stanier, racées avec leur robe rouge sang rehaussée de filets jaunes et noirs, ces machines battent facilement des records de puissance et de vitesse, dépassant même, par leur nécessaire voracité en charbon, ce que peuvent charger des équipes de trois hommes dont deux chauffeurs débordés.

La compétition, à la seconde près, entre les trains du London Midland & Scottish Rly et du London & North Eastern Rly. Ici les 230 du LMS perdent la face contre les 231 du LNER, et dans les deux sens de marche. La lutte atteint son apogée dans les dernières années 1930, quand le LMS finit par engager ses 231 « Duchess ».© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

L’Écosse : enjeu de la concurrence la plus âpre

Deux réseaux sont concurrents sur la relation Londres-Écosse que sont le London, Midland & Scottish Railway, d’une part, et le London & North Eastern railway, d’autre part, se livrent une lutte sans merci. Les deux compagnies sont à couteaux tirés : si l’une des deux sort une nouvelle Pacific, l’autre en fait autant. Les performances des trains entre Londres et Édimbourg sont comparés à la minute près et chaque jour c’est à qui fera le meilleur temps, exploit qui sera souvent publié dans la presse ! Les Anglais, grands amateurs de paris, s’en donnent à cœur joie…

Les « Duchess » éclipsent tout ce qui existe en matière de locomotives à grande vitesse : elles peuvent tirer des trains de plus de 600 tonnes à plus de 100 km/h, rouler à plus de 160 km/h en tête de trains de 300 à 400 tonnes et même atteindre, pour l’une d’elles, 182 km/h lors d’essais.

TOUTE UNE ÉPOQUE

Grandes concurrentes des « R », et beaucoup plus rapides, les locomotives type 231K triomphent avec les services voyageurs également dans le réseau Nord.Ici la N° 231K8 traverse Étaples à 120 km/h en 1972. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming