Les affectations des 141-R

Auteur :  Clive Lamming

Nous savons que le réseau de la SNCF, en 1945, est presque totalement anéanti : la plupart des lignes sont coupées en un ou plusieurs points, les Alliés comme l’ennemi ayant fait sauter un nombre élevé d’ouvrages d’art, notamment les axes de communication que sont les ponts sur les fleuves.

Déjà entourées d’affection, les 141-R doivent aussi subir des affectations… Le mystère de leur affection, dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, reste encore difficile à expliquer, car l’époque était celle de l’urgence, de la pénurie de moyens de transport, et souvent de l’improvisation devant l’imprévu devenu la règle de tout pays subissant une guerre.

Vue prise en février 1946 à Marseille. Une 141-R quitte le navire « Lakehurst ». La locomotive est prise avec l’aide d’une poutre placée en long sur la chaudière. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo ©Crédit : Document RGCF.

Un réseau français détruit

Entre le débarquement américain du 6 juin 1944 et la capitulation allemande du 8 mai 1945, il y a 11 mois et 2 jours de guerre durant lesquels le réseau ferré français représente l’enjeu le plus important, puisqu’il est le seul moyen de transport. Il faut à la fois paralyser les transports allemands, mais aussi permettre les transports alliés : ce qui entraîne des destructions et des reconstructions continuelles et quasi totales, comme les 24 grands triages nationaux, les 51 grandes gares, les 71 grands dépôts, les 600 postes d’aiguillage et enfin des milliers et des milliers de kilomètres de voies.

Il faut dire que les Américains trouvent, en 1944-1945, un réseau ferré français presque détruit. La grande ligne qui semble la plus intacte est la Paris-Brest, mais Landerneau est son terminus… Toutes les autres ont disparu. Le Havre, Nantes, Bordeaux, le sud de la Bretagne et la Vendée, Nice, Strasbourg et tout l’Est sont coupés de la capitale. La ville de Lyon peut être atteinte par un incroyable trajet de 14 heures en passant par Nevers ! Aucun train ne peut traverser la Loire à Orléans (le transfert se fait en barque), ou passer Nevers en direction de Clermont-Ferrand. Les Américains, avec les Anglais, devront donc se faire bâtisseurs de ponts et de voies ferrées pour mettre en application la moindre stratégie. Les cheminots de la SNCF se mettront au travail pour reconstruire le réseau derrière l’avancée des Alliés, et peu après la Libération, le réseau redevient actif, la situation étant redevenue normale à la fin des années 1940.

Le déchargement d’une 141-R à Anvers en décembre 1945 avec l’aide d’un « ponton-grue » placé sur le quai le long du navire « Vebdy ». Notez la paroi provisoire en bois fermant l’abri de conduite de la locomotive.  © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Document RGCF.

Un acheminement difficile

Les différentes régions de la SNCF désignent les dépôts devant recevoir des 141-R. La région Est est prioritaire. Les locomotives sont donc à acheminer depuis leurs différents ports de débarquement où l’on « débielle » d’abord les roues, on coiffe la cheminée d’un « chapiteau » pour empêcher l’humidité de pénétrer dans la chaudière, tandis que la cabine de conduite est fermée par une paroi en bois soigneusement posée sur la façade arrière. Regroupées par trains entiers, avec des wagons-raccords interposés, les 141-R gagnent les grands ateliers d’Épernay, Bischheim (région Est) ou Sotteville (région Ouest) pour être préparées : remontage des bielles, installation de l’indicateur-enregistreur de vitesse « Flaman », conduites de vapeur démontables pour les futurs passages en atelier, « plombage » des soupapes, montage de tuyauteries et de manomètres supplémentaires… et bien d’autres adaptations, puis des essais en ligne pendant une semaine. Les 10 premières 141-R en service seront les 141-R-458 à 468, et à la fin de 1945, il y a 50 locomotives en service. À la fin de 1946, on disposera de 697 locomotives.

Le graphique des arrivées des 500 premières 141-R en France. Le trait horizontal est proportionnel au nombre de locomotives par arrivée, comme le trait vertical avec la durée entre deux voyages. Les lettres sont les initiales des ports : « CH » = Cherbourg, « H » = Le Havre, « M » = Marseille », etc.© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

Le pont du navire « Belpamela » à l’arrivée au Havre le 27 févier 1946. Les tenders ont reçu une fermeture de leur hotte à charbon, pour le voyage. Ce ne sont pas des tenders à fuel. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

AILLEURS, À LA MÊME ÉPOQUE

La Pacific unifiée 01 de la Deutsche Reichsbahn

Sortie en 1926, cette locomotive est le chef-d’oeuvre de la firme allemande Borsig. Capable de rouler à 130 Km/h en tête de trains de 800 tonnes, la Pacific unifiée 01, racée et fine, se classe parmi les meilleures « Pacific » du monde à cette époque.  

L’unification ferroviaire allemande

Au moment de l’unification allemande en 1871, le réseau ferré du pays est très hétéroclite : il comprend environ 18 000 kilomètres de lignes, réparties entre 66 compagnies. Cet ensemble au matériel roulant très diversifié est d’une exploitation malcommode, et la Prusse est chargée d’administrer le réseau. Le 11 octobre 1924, la Deutsche Reichsbahn Gesellschaft est créée : c’est l’unification des chemins de fer allemands enfin fusionnés en une seule compagnie nationale. 

Locomotive allemande type « Pacific » série 01, numéro 003, type lourd avec tender court 2’2T30, vue en 1926 à sa livraison. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo ©  Document Hubert.

Une carrière mouvementée, mais glorieuse

On voit les locomotives « 01» en tête de tous les grands trains rapides allemands des années 20 et des années 30, et roulant à 150 km/h et même 160 km/h. Les années d’après-guerre voient le partage de l’Allemagne, ainsi le parc de « 01» se retrouve dispersé de part et d’autre du Rideau de Fer : 171 à l’Ouest et 70 à l’Est. Ces magnifiques locomotives de l’Allemagne Fédérale roulèrent jusqu’en 1973 et celles de la RDA jusqu’en 1981, devenant ainsi les dernières Pacific européennes encore en service.

TOUTE UNE ÉPOQUE

Photographie prise durent les années 1960. Un des derniers châteaux d’eau des anciens réseaux de la « France profonde » est photographié sur l’ancien Paris-Orléans (PO). Ces impressionnants monuments peuplaient toutes les gares et dépôts et étaient le symbole même du chemin de fer. Les 141-R leur donneront un sursis jusque durant les années 1970.© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

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