Les mutations entre dépôts

Auteur :  Clive Lamming

L’arrivée des 141-R chauffées au fuel donna des résultats tellement excellents qu’elle entraîna la transformation d’un grand nombre de locomotives chauffées au charbon, durant l’automne de 1946 dans le sud-est de la France, et durant l’année 1947 pour l’ouest.

On en arriva à regrouper les 141-R à charbon sur les régions SNCF de l’Est, du  Nord et du Sud-Est du fait de la présence de grands bassins miniers. On crée trois nouveaux dépôts pour ces locomotives à Roanne, Vierzon, et Narbonne ; mais le fait essentiel est l’augmentation du parc « fuel » du fait de la crise du charbon à l’époque. 

Le dépôt de Dijon-Perrigny, vue aérienne prise en 1940. L’importance du dépôt demande deux « rotondes à chapeau », plus une demie rotonde découverte et un important garage avec sa « plaque » complète « virant » sur 360 degrés (termes d’époque). © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Crédit : Document Gaby Bachet.

La mutation des 141-R du charbon vers le fuel

Beaucoup de 141-R « charbon » deviendront des « fuel » par une opération qui ne demande qu’une semaine de travail avec l’installation d’une citerne de 13,5 m3 dans le tender, de brûleurs dans le foyer, le remplacement de la grille par un garnissage en briques réfractaires et la suppression de la voûte - pour ne citer que les transformations principales. C’est ainsi que la température du foyer passe, en quittant le charbon pour le fuel, de 1 350 à 1 700 degrés : c’est une tout autre technique… qui demande l’installation d’extincteurs puissants. Par ailleurs, le fuel demande, sur le tender et la locomotive, une installation de réchauffage qui concerne aussi l’ensemble des tuyaux d’alimentation. En effet, le fuel « pris par le froid » devient très visqueux, très difficile à faire circuler.

Le dépôt de Blainville, région Est, dans les années 1950 ou 1960. Bien entendu, comme dans presque tous les dépôts de France, il y a toujours une 141-R présente !  © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Crédit : Document Pierre Debano.

Les 141-R « fuel » se rapprochent des raffineries

Les régions Est, Ouest, Sud-Ouest et Méditerranée de la SNCF de l’époque deviennent des clientes des grandes installations de raffinerie de Strasbourg, du Havre, de l’étang de Berre, tandis que, le long de la Méditerranée, on découvre que la chauffe au fuel élimine pratiquement tout risque d’incendie le long des voies, dans les pinèdes et les taillis très secs. 

Durant cette période, certains ateliers se transforment en de véritables usines de transformation, notamment aux « Ateliers de Nevers Machines » (ANM) où 240 locomotives seront transformées par le biais de ce qui va devenir un véritable travail à la chaîne ! Le nombre d’heures de travail pour chaque transformation tombera de 614 heures à 448 heures dont environ 60 heures pour le tender seul. Les « ANM » deviennent le principal centre de transformation avec les tranches 701 à 820, 861 à 960 et 1101 à 1120 destinées aux régions Est, Sud-Est, et Méditerranée. Les ateliers de Niort se chargeront des 141-R de la tranche 1021 à 1100 destinées à la région Ouest.

Toujours au dépôt de Blainville, belle ambiance générale d’un dépôt des années 141-R : le charbon règne partout. Sur l’abri de la 230 Est, au premier plan : la grille de protection empêche la montée du chauffeur sur le tender, sa tête risquant de toucher la caténaire. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Crédit : Photo Debano.

Le dépôt de Fives-Lille en 1951. Au premier plan, une belle « cavalerie » Nord. Pas de 141-R sur ce cliché ? Mais si : regardez bien les locomotives au fond, au-delà de la « plaque » !© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

De l’automne 1947 au printemps 1949 : la grande mutation

Les 141-R des tranches 1 à 700 de l’Ouest et de la Méditerranée vont dans les régions Est et Nord. 700, 800, et 900 de l’Est restent provisoirement dans leur région, aux dépôts de Blainville, Hausbergen, et Mulhouse. Une partie des 700 et 800 du Nord vont à Blainville, ou à Ambérieu, Badan, Dijon, Grenoble, Le Teil, Roanne. Les 141-R des tranches 1101 à 1120, possédant des rouleaux sur leurs essieux, vont à Ambérieu. Les 141-R 1021 à 1100, éparpillées sur quatre régions SNCF avant leur transformation à Nevers, seront regroupées dans la région Ouest à Achères, Auray, Caen,  Le Havre, la Rochelle, Mézidon.

AILLEURS, À LA MÊME ÉPOQUE

« King » du Great Western, le roi du réseau anglais

Mise en service en 1927, cette locomotive ne manquera pas de justifier son nom par un règne sans partage sur les rails de la grande compagnie anglaise qui a une culture de la vitesse. Du type 230, elle surpasse en puissance et en performances bien des « Pacific » qui, construites après elle, ne pourront l’égaler. 

Le « château » s’agrandit…

Les « Castle » (ou série des châteaux) sont des 230 mises en service en 1923 par l’ingénieur Georges Collet. Réussies techniquement, elles se révèlent très économiques à l’usage. Mais, dès leur sortie en 1923, on sait déjà que les « Castle » sont un peu justes, et qu’elles seront rapidement dépassées par le poids des trains. Il faut songer à les agrandir : ce seront les « King », qui sont en fait des « Castle » agrandies.

Sur le réseau du Great-Western britannique : une prestigieuse et énergique « King » en train  « d’arracher » son train, au début des années 1930. La « King » se distingue des nombreuses 230 du réseau avec son essieu porteur avant à paliers extérieurs. Les voitures accusent leur âge par rapport à la locomotive..© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

La naissance d’un roi dans son château

Deux réseaux sont concurrents sur la relation Londres-Écosse que sont le London, Midland & Scottish Railway, d’une part, et le London & North Eastern railway, d’autre part, se livrent une lutte sans merci. Les deux compagnies sont à couteaux tirés : si l’une des deux sort une nouvelle Pacific, l’autre en fait autant. Les performances des trains entre Londres et Édimbourg sont comparés à la minute près et chaque jour c’est à qui fera le meilleur temps, exploit qui sera souvent publié dans la presse ! Les Anglais, grands amateurs de paris, s’en donnent à cœur joie… 

Les « Duchess » éclipsent tout ce qui existe en matière de locomotives à grande vitesse : elles peuvent tirer des trains de plus de 600 tonnes à plus de 100 km/h, rouler à plus de 160 km/h en tête de trains de 300 à 400 tonnes et même atteindre, pour l’une d’elles, 182 km/h lors d’essais.

Le Great Western, réseau de la vitesse

Entre les deux guerres, c’est l’âge d’or du réseau. Les trains sont superbes, avec leur locomotive verte et leurs voitures brun et crème. Les « King » assureront, à partir de 1928, l’ensemble des trains rapides du Great Western jusqu’à la fin de la vapeur, laissant, en 1963, la place à la locomotive diesel. Les rames rapides HST qui roulent actuellement à 200 Km/h entre Paddington et le Sud-Ouest de la Grande Bretagne sont les héritières de la grande tradition du GWR. 

TOUTE UNE ÉPOQUE

Un spectacle qui étonnerait dans le Paris cycliste actuel, mais très courant dans le Paris des années 1940 : la remorque « Porte à porte » servant à livrer directement les wagons dans les cours des usines. Le camion (ex-armée US) de la « SCETA » (filiale SNCF) fait bonne figure avec ses pneus fraîchement peints en blanc, mais roule à un prudent 10 km/h ! © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

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