Les parcours des 141-R, l’exploit permanent

Auteur :  Clive Lamming

Si l’on considère les parcours annuels des 141-R, on voit qu’ils ont progressé entre les années 1946 et 1973, avec une poussée très forte entre 1948 et 1949, puis se sont maintenus au sommet pendant toute la décennie des années 1950 pour ensuite connaître un lent et inexorable déclin menant à leur disparition en 1971.

Parmi les différents types de locomotive 141-R qui ont circulé durant cette longue et prolifique période, ce sont, sans nul doute, les modèles dits « charbonnières « qui ont le plus sillonné les voies des chemins de fer français.

La 141-R-1045 vue en tête d’un train composé de voitures carénées Etat. Esthétiquement, l’ensemble n’est pas très cohérent. Les amateurs très spécialisés noteront la présence de tampons ronds différents de ceux d’origine.  © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Document René Floquet.

La longueur des parcours varie d’un dépôt à l’autre 

Ces locomotives de la première tranche ont surtout « fait » des trains de marchandises du Régime Ordinaire (RO) ou, plus rarement, du Régime Accéléré (RA). Les locomotives dite « goudronneuses » et surtout celles de la deuxième tranche ont eu la chance d’être affectées à un grand nombre de trains de voyageurs, et plus particulièrement aux dépôts de Dijon, Nice, Marseille, Nantes, Reims ou Ambérieu. Les kilomètres mensuels vont de 2 100 km environ jusqu’à 6 800 km environ. Les kilomètres totalisés par locomotive ont été plus importants pour les locomotives chauffées au fuel.

Chaque 141-R de la série 1 à 700 a effectué plus de 1 200 000 km dans son existence, tandis que l’ensemble des locomotives chauffées au fuel a dépassé 1 500 000 km. Les dernières locomotives, des numéros 1101 à 1340, ont toutes dépassé 2 000 000 km ! La 141-R-1158 du dépôt de Narbonne a battu le record absolu avec 2 464 677 km.

Une 141-R photographiée en tête des lourds trains de charbon de la région Nord de la SNCF, ici en 1955, à Lens. Elle est vue dans le genre de service pour lequel elle a été conçue et dans lequel elle excelle. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

La répartition des parcours en France 

Le Massif Central n’a jamais pu voir circuler des 141‑R, nous le savons, ainsi que les lignes des Cévennes, des Causses et du Périgord, du fait de la présence de nombreux tunnels mal aérés et d’un climat très chaud en été, et aussi de la présence très forte de la traction électrique des réseaux PO et Midi. Certes, il y eut de nombreux essais, notamment entre Nîmes et La Bastide, mais les températures atteintes dans la cabine de conduite étaient invivables. Les 141-R durent laisser en place des locomotives moins puissantes comme les 141-TA ex-PO, ou les 14-E et 141-F ex-PLM.

Les régions Nord et Est en ont utilisé en service marchandises à partir du triage de Juvisy, de Hazebrouck à Dunkerque. La région Ouest en a utilisé en service voyageurs entre Trappes et Le Mans, Paris et Chartres, Paris et Saumur. Celle du Sud-Ouest, en service marchandises, en a utilisé sur les relations Vierzon-Châteauroux et Salbris, ou Montauban-Toulouse, Narbonne-Toulouse, Bordeaux-Coutras ou Bayonne ou Tours. Celle du Sud-Est les a utilisées, notamment en marchandises, entre Chagny et Origny ou Chalon, Gevrey et Saint-Germain au Mont d’Or, Bourg à Ambérieu, Dôle à Gevrey. Et aussi sur les deux rives du Rhône et à partir de Miramas. Les 141-R ont souvent remplacé la traction électrique défaillante (problèmes de caténaires) en 1950 le long de la Loire, ou en 1956 le long de la Seine entre Achères et Rouen. On les voit servant de lest pour tester, en groupe, les viaducs reconstruits à Tarascon, Cubzac, Nogent-sur-Marne. Elles servent aussi pour de nombreux essais en traction vapeur sur le banc de Vitry ou en ligne. Beaucoup finissent leur vie comme génératrices de vapeur à poste fixe dans les ateliers et dépôts, ou dans de grandes usines privées.

Une 141-R photographiée en tête des lourds trains de charbon de la région Nord de la SNCF, ici en 1955, à Lens. Elle est vue dans le genre de service pour lequel elle a été conçue et dans lequel elle excelle. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

La 141-R-1071. Elle a circulé dans la région Ouest de la SNCF, notamment pour le compte du dépôt d’Auray. Elle a la chauffe au fuel et un troisième essieu à roues « Boxpok ». © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

Un exemple de petit dépôt heureux d’avoir reçu des « R » : celui d’Alès, vu en 1965. La rotonde a perdu son « chapeau » pendant la guerre ou a été démontée par précaution… Les « R » circulant entre Nîmes et La Grand Combe peuvent s’y arrêter. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

AILLEURS, À LA MÊME ÉPOQUE

La 140-G « Pershing », la belle américaine qui aime la France

Ces 2 200 locomotives sont, si l’on peut dire, les 141-R de la Première Guerre mondiale. Elles sont commandées par l’armée américaine auprès du constructeur Baldwin en 1917 en vue du débarquement sur les côtes françaises. Devenues 140-G avec la SNCF, elles constituent, numériquement, la plus importante série que le réseau français a jamais utilisée.

« Uncle Sam » vient jouer au train en France 

Le 6 avril 1917, les États-Unis entrent en guerre aux côtés des Alliés. Dès le mois de juin de la même année, 14 500 hommes débarquent en France. Le total atteindra 4 000 000 à la fin de la guerre. Le général Pershing crée le « Transportation Corps » qui travaille en collaboration avec le Ministère des Travaux publics français et assure le fonctionnement, l’entretien ou même la construction des voies ferrées.

Une « Pershing » vue dans le réseau du Nord pendant les années 20. Cette jolie photographie montre que ces locomotives sont très propres et très soignées, selon la tradition de ce réseau brillant à tous points de vue. On notera une porte de boîte à fumée restée d’origine. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

Les réseaux français sauvés par l’effort américain

Ces 2 200 locomotives dites « Pershing » sont simples et très robustes. Subissant très peu de transformations, elles reçoivent, selon les réseaux, des échappements à trèfle ou des « Kylchap », et des portes de boîte à fumée conformes aux types français. À sa création, la SNCF reçoit 1 408 locomotives : sur le bassin lorrain, par exemple, des trains de charbon de 1 150 tonnes sont enlevés à 50 km/h, ou de 1 650 tonnes à 40 km/h selon l’auteur Jean Gillot. Toutefois, les 140-G ne dépasseront pas le milieu des années 1950.

TOUTE UNE ÉPOQUE

Une belle ambiance d’essais en ligne : les photos du genre sont rares, vu les soucis vécus… La 242-A-1, locomotive la plus puissante de la SNCF, est née de la transformation d’une « Mountain » Etat trop tardivement réalisée par le grand ingénieur André Chapelon. Nous sommes en 1955 dans la région Ouest. La traction vapeur n’avait déjà plus aucun avenir.© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Collection Trainsconsultant-Lamming

Partager ce post

Paiement 100% sécurisé Paiement 100% sécurisé
Emballage sécurisé Emballage sécurisé
Transport sécurisé Transport sécurisé
Abonnement flexible Abonnement flexible