Après une collaboration avec Panhard, Charles Deutsch se tourne vers Peugeot pour motoriser ses voitures de course. Le modèle SP 1966 est aligné au Mans à partir de 1966.

Si des constructeurs français comme Alpine, Matra ou Ligier se sont régulièrement illustrés en compétition internationale à partir du milieu des années soixante, c’est en partie grâce à des pionniers comme Charles Deutsch qui ont eu le courage de se lancer dans la compétition automobile au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, à une époque où tout restait à réaliser dans notre pays. Cet ingénieur s’est toujours passionné pour l’aérodynamique et la CD Peugeot est une réalisation magistrale dans ce domaine.

Après plus de vingt-trois années de collaboration fructueuse au sein de DB (fondée en 1938 à Champigny-sur-Marne), Charles Deutsch et René Bonnet se séparent et leur entreprise est dissoute fin décembre 1961. Tandis que Bonnet conclut des accords avec Renault, Deutsch reste dans un premier temps fidèle à Panhard, leur motoriste historique, et poursuit ses études aérodynamiques avec les ingénieurs Michel Tétu, Robert Choulet et Lucien Romani au sein de la Société des Ingénieurs de l’Automobile. 

La voiture de André Guilhaudin et Alain Bertaut abandonnera aux 24 Heures du Mans de 1967. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Archives et Collections.

Une nouvelle aventure

Le fruit de leurs recherches, la CD Panhard, est engagée aux 24 Heures du Mans de 1962 où, aux mains de l’équipage Guillaudin-Bertaut, elle se classe 16e dans sa catégorie et remporte l’Indice Énergétique. L’année suivante, Panhard, accaparé par la sortie de son nouveau modèle 24, lui fait faux bond et Deutsch se rabat au dernier moment sur un moteur DKW. CD retrouve Panhard pour les 24 Heures de 1964, mais ce sera là leur dernière collaboration. Privé de moteur, CD ne sera pas présent dans la Sarthe pour l’édition de 1965 ; toutefois cette année-là, il passe un accord de coopération technique avec Peugeot qui se laisse convaincre sans difficultés par les références de cet ingénieur réputé. Le premier projet CD Peugeot est prêt dès octobre 1965, mais après une série d’essais peu concluants à Montlhéry fin mars 1966, le châssis est modifié. L’allure générale de la carrosserie est très proche de la précédente CD Panhard de 1964. Ce qui est logique car l’étude aérodynamique a été à nouveau conduite par Robert Choulet, le concepteur de la structure. Il est assisté par Daniel Pasquini qui s’est occupé du dessin de la carrosserie en collaboration avec la SERA (Société d’Études et de Réalisation Automobile) au sein de la soufflerie Eiffel à Paris.

Charles Deutsch (1911-1980) produira ses propres voitures de course de 1962 à 1967 sous l’appellation CD. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Archives et Collections.

Une leçon d’aérodynamisme

Avec ses dérives arrière verticales à double courbure, sa ligne effilée et ses phares profilés, l’aérodynamique de la CD Peugeot SP 66 est l’une des plus soignées jamais réalisée. Elle possède en effet un SCx incroyablement bas de 0,198. Le châssis, d’un poids de 72 kg, est composé d’un assemblage de tôles pliées et soudées par points ou rivetées. La rigidité de l’ensemble est assurée par deux longerons réunis par cinq transverses. La suspension à roues indépendantes comprend, à l’avant, des triangles inférieurs, des bras supérieurs, des ressorts hélicoïdaux et des amortisseurs télescopiques. À l’arrière, on trouve un système original constitué de deux bras transversaux. Le moteur qui dérive de celui de la Peugeot 204  a été modifié par l’usine de Sochaux pour porter sa cylindrée d’origine à 1 135 cm3 faisant passer la puissance de 53 à 103 ch DIN. Sur la voiture de 1967, le bloc 4 cylindres, préparé par Le Moteur Moderne, est poussé à 1 135 cm3 (108 ch). La boîte de vitesses, d’origine Peugeot également, possède un carter spécifique.

La carrosserie en résine et fibres de verre de la CD Peugeot possède des lignes remarquablement efficaces et épurées. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Archives et Collections.

Des résultats mitigés

Après s’être adjugé six victoires de classe et remporté cinq fois l’Indice de Performance au sein de l’écurie DB de 1949 à 1961, Charles Deutsch engage ses propres productions aux 24 Heures du Mans sous l’appellation CD de 1962 à 1967. Elles sont d’abord équipées de moteurs Panhard en 1962 et 1964, DKW en 1963 et enfin Peugeot en 1966 et 1967. Pour l’édition de 1966, l’équipe SEC Automobiles CD aligne trois châssis SP 66 pour Claude Laurent et Jean-Claude Augier (n° 51), Alain Bertaut et Pierre Lelong (n° 52) ainsi que Georges Heligoin et Johnny Rives (n° 53). Les CD Peugeot sont données pour grandes favorites face aux Alpine, notamment pour le classement au Rendement Énergétique. Mais malheureusement, ce sera un échec pour l’écurie de Charles Deutsch, autant par manque de temps pour la préparation que par l’inexpérience de certains des pilotes engagés. Les trois voitures abandonneront en effet respectivement aux 6e heure (accident), 6e heure également (embrayage) et 9e heure (accident). L’année suivante, CD se présente avec deux SP 66 très proches des précédentes, après une mise au point intensive au cours de l’hiver. La première voiture est pilotée par Denis Dayan et Claude Ballot-Léna (n° 52) qui abandonnent à la 5e heure (moteur). La seconde voiture est confiée à André Guilhaudin et Alain Bertaut (n° 53) qui doivent s’arrêter à la 8e heure, victimes de leur moteur. Ce sera la dernière participation de CD au Mans.

Le moteur 4 cylindres en ligne Peugeot, en alliage d’aluminium, est installé en position centrale arrière, transversalement et couché. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Archives et Collections.

Charles Deutsch

Cet ingénieur de réputation internationale est né le 6 septembre 1911 à Champigny-sur-Marne. L’activité de garagiste de son père influence très jeune sa passion pour la mécanique et l’automobile. C’est logiquement qu’il poursuit des études d’ingénieur et est diplômé de l’École Polytechnique en 1931, puis de l’École Nationale des Ponts et Chaussées et de l’École Supérieure d’Électricité. Charles Deutsch participe ensuite à la réalisation de grands travaux publics tout en étant chargé de mission au sein de plusieurs ministères. En 1938, il créée la marque DB avec René Bonnet puis est cofondateur du bureau d’études aérodynamiques SERA-CD en 1962. Après l’aventure CD, il continue ses activités d’ingénierie pour Porsche et Ligier au cours des années 1970. Il décédera le 6 décembre 1980 à Créteil.

CD type SP 66 (24 H du Mans 1966)

• Moteur : Peugeot, 4 cylindres, transversal central arrière

• Cylindrée : 1 135 cm3 

• Alésage x course : 75 mm x 82 mm 

• Puissance : 103 ch à 7 300 t/mn

• Alimentation : 2 carburateurs double corps Weber

• Allumage : double, bobine et distributeur

• Distribution : arbre à cames en tête, 2 soupapes par cylindre

• Transmission : aux roues arrière, boîte de vitesses manuelle à 5 rapports + M.A.

• Pneumatiques : Michelin, 5,5’ x 14 Avant et 8’ x 14 Arrière

• Longueur : 416 cm

• Largeur : 150 cm

• Hauteur : 100 cm

• Empattement : 230 cm

• Voie avant : 138 cm

• Voie arrière : 136 cm

• Poids (à vide) : 565 kg

• Vitesse maximale : 240 km/h