Alpine A 610

Rédaction : Albert Lallement  

Le chant du cygne

Dévoilée en 1991, l’Alpine A 610 Turbo est une voiture entièrement nouvelle bien qu’elle reprenne les bases de construction qui avaient été élaborées pour le précédent modèle GTA.

Cette dernière Alpine, reconnue comme étant la plus aboutie de toutes, arrivera malheureusement trop tard pour sortir le constructeur de Dieppe de ses soucis financiers. Malgré d’indéniables qualités au niveau de sa mécanique comme de son esthétique, l’A 610 ne rencontrera pas le succès commercial attendu et sera retirée du catalogue Renault en juillet 1995, marquant ainsi l’arrêt de la marque de Dieppe pour plus de trois décennies.

Les différences les plus notables entre la précédente GTA et l’A 610 sont les inédits phares escamotables et les ouïes de refroidissement latérales devant les roues arrière. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Renault D.R. / Archives et Collections

L ’Alpine A 610 est une version esthétiquement sublimée du précédent coupé GTA lancé en 1984, dont elle reprend le châssis et la dernière évolution de son moteur V6 PRV. Malgré sa ressemblance avec la GTA, les lignes de l’A 610 ont été judicieusement remaniées afin d’obtenir une meilleure répartition des masses. Par ailleurs, pour cette ultime Alpine, le logotype historique avec le A fléché en bleu sur fond blanc fait son retour sur la calandre.

Étrange destin que celui de l’Alpine A 610 dont la majorité de la production sera vendue en Allemagne tandis qu’en France on lui préférait la Porsche 911... © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Renault D.R. / Archives et Collections

Une GT haut de gamme

Lorsque la nouvelle A 610 Turbo est dévoilée au Salon de Genève en mars 1991, Renault met tous ses espoirs dans ce modèle pour relancer les ventes d’Alpine qui sont au plus bas. La version «Le Mans», ultime évolution de la GTA V6 Turbo, ne s’est en effet vendue qu’à 325 unités depuis son lancement en 1990. Le constructeur français va chercher à relancer cette gamme qui fait partie de son catalogue depuis le début des années 1970 avec un modèle haut de gamme et résolument sportif. Pourtant, d’emblée la dernière-née de chez Alpine n’enthousiasme pas les inconditionnels de la marque de Dieppe. Ses lignes reprennent en grande partie celles de la précédente GTA, tout comme celle-ci avait déjà réinterprété celles de l’A 310 de 1970. Si l’arrière de la carrosserie reprend indéniablement le dessin et les volumes de la GTA, à l’avant en revanche on retrouve les lignes de l’Alpine GT Turbo étudiée en 1986 pour le marché nord-américain, dont elle reprend les phares escamotables. Extérieurement, l’A 610 se distingue également par ses jantes en alliage type Azev, ainsi que par les ouïes d’aération logées sur les flancs pour le refroidissement des freins et du compartiment moteur.

Vue de l’arrière, l’Alpine A 610 a subi un restyling beaucoup moins important qui la distingue plus difficilement de la GTA. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo ©  Renault D.R. / Archives et Collections

Fidèle au V6 PRV

L’A 610 reste fidèle au châssis intégrant une poutre centrale reliant les ensembles avant et arrière, mais la rigidité structurelle a été améliorée. Le berceau multitubulaire et le plancher en Polyester que l’on trouvait à l’avant de la GTA ont ainsi cédé la place à un ensemble en tôle emboutie et un plancher en métal, plus lourd, mais plus rigide. La coque et la carrosserie en matériaux composites jouent un rôle anti-torsion important grâce à des liaisons renforcées permettant de supporter un surcroît de puissance moteur. Pour propulser son dernier bolide A 610, Alpine continue de faire confiance au V6 à 90° PRV, un moteur éprouvé conçu en partenariat par Peugeot, Renault et Volvo et en service depuis 1974. Ce moteur réputé pour sa robustesse et sa fiabilité dispose d’un bloc entièrement construit en aluminium avec une culasse, des chambres de combustion et des conduits d’admission redessinés pour améliorer les flux. Par ailleurs, l’alimentation et l’allumage sont maintenant gérés électroniquement. Enfin, les performances en hausse du moteur (250 ch pour un couple maxi de 35,7 mkg à 2 900 tr/mn) ont nécessité l’installation d’un échangeur air/air plus volumineux.

L’intérieur de l’A 610 est particulièrement soigné, avec pour seules options disponibles la sellerie en cuir et le lecteur CD. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo ©  Renault D.R.

Développée au Bérex

Si les lignes de l’Alpine A 610 sont dessinées au sein de la branche design avancé de Renault à Rueil-Malmaison, sous la direction de Guy Greffier, son développement technique est confié au Bérex (Bureau d’Études et de Recherches EXploratoires) situé dans la périphérie de Dieppe. Le maître d’œuvre des essais routiers de ce modèle est Alain Serpaggi, un ancien pilote qui s’est illustré au volant des bolides de Jean Rédélé, qui s’occupera de l’intégralité des études et des mises au point de ce coupé. Le Bérex qui dépend du centre de Rueil, est particulièrement chargé des études mécaniques et dynamiques des véhicules de petites séries, les modèles Alpine représentant alors 30% de son activité. Au moment de la conception de l’A 610, cette structure dirigée par Remy Kaiser comprend 210 collaborateurs. Le bureau d’études est équipé d’un matériel de pointe en matière de CAO avec un accès direct et permanent au Centre de Recherche et de développement de Renault. L’atelier dirigé par Richard Bouleau, l’un des piliers d’Alpine qui avait dessiné les premiers prototypes de course Alpine avec Bernard Boyer, réalise les maquettes et les prototypes. Enfin, un centre d’essais intégré dispose de plusieurs bancs moteurs et d’un banc à rouleaux. Les Alpines A 610 sont construites à l’unité dans de petits ateliers autonomes où elles sont assemblées du début à la fin par une même équipe d’employés. 

Pour aller plus loin...

Le dernier Opus

La série spéciale "Magny-Cours", du nom d'un petit village de la Nièvre haut lieu de la course automobile française, est l'ultime version commercialisée du dernier modèle produit par Alpine. Construite à seulement 31 exemplaires, elle était à l'époque la dernière Grand Tourisme sportive française produite en série. L'A610 "Magny-Cours" est dévoilée le 5 juin 1992 sur le circuit du même nom, à l'occasion d'essais préliminaires organisés par plusieurs écuries de Formule 1. Après la GTA V6 Turbo "Le Mans" lancée en 1990, c'était la seconde fois qu'Alpine choisissait le nom d'un circuit français pour l'appellation d'un de ses modèles en série limitée. Ce modèle était lancé pour tenter de redynamiser les ventes d'Alpine dont l'usine de Dieppe ne construisait alors plus que deux voitures par jour. L'A 610 était doté d'équipements spécifiques, à commencer par une teinte de carrosserie et de jantes de roues spécifique vert nacré. L'habitacle était particulièrement soigné, avec des sièges et un habillage en cuir noir ainsi qu'une plaque numérotée avec l'appellation "Magny-Cours" sur la planche de bord.

La dernière Alpine A 610 dispose de l'appellation "Magny-Cours" sur les deux portes avant ainsi qu'un marquage "A 610 Turbo" de couleur verte sur les vitres de custode. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo ©  Renault D.R. / Archives et Collections

Matériaux composites

Depuis ses débuts, la marque Alpine est à la pointe de l'innovation technologique avec l'utilisation de matériaux composites pour la construction des carrosseries de ses voitures. À poids égal, ces derniers se révèlent en effet deux à trois fois plus résistants que l'acier. La coque de la Berlinette était déjà réalisée en résine Polyester armée de fibre de verre et l'A 610 va utiliser cette technique en l'associant à plusieurs autres types de matériaux à raison de 240 kg au total (dont 170 kg pour la seule carrosserie). Outre les éléments en Polyester stratifié thermodurcissable collés sur le châssis-poutre servant à rigidifier la structure porteuse, l'A 610 utilise également du polyuréthane, moins rigide et pouvant supporter des chocs sans déformations pour les boucliers avant et arrière par exemple. Le troisième principal matériau composite entrant dans la construction de l'A 610 est le "Lomod A 1220", un copolymère recyclable type Polyether-Polyester développé par la société G.E. Plastics et utilisé pour les ailes de la voiture.

Les matériaux composites entrent en grande partie dans la construction de la structure et de la carrosserie de l'A 610 ainsi que le moulage des éléments amovibles et ouvrants ou encore l'équipement de l'habitacle.© IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo ©  Renault D.R. / Archives et Collections

Le raid "Liberté"

En 1992, le journaliste automobile et historien d'Alpine Dominique Pascal lance un projet un peu fou pour célébrer à sa façon la chute du mur de Berlin et de l'Union soviétique. Accompagné du photographe Christian Bedeï et de deux mécaniciens pour l'assistance, il va parcourir  7 579 km à bord d'une Alpine A 610 Turbo en empruntant un itinéraire routier à travers l'Europe formant le mot Liberté. Partis de Paris le 16 octobre, ils arriveront à Saint-Pétersbourg le 27 suivant après 114 heures de conduite. Leur périple les fera passer par Arnhem, Metz, Berlin, Prague, Poznan, Lodz, Bialystok, Kaunas, Riga et Pskov. Les anciens pays du bloc communiste traversés sont l'Allemagne de l'Est, la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Lituanie, la Lettonie et la Russie. La voiture quasiment neuve, fournie par le Centre technique Alpine-Renault dirigé par Norbert Guillo à Boulogne-Billancourt, avait reçu une préparation du moteur afin de pouvoir utiliser un carburant de qualité inégale, tandis que ses suspensions étaient rehaussées pour affronter les éventuelles routes en terre et la neige. 

La carrosserie de l'Alpine A 610 "Liberté" avait été repeinte aux couleurs des principaux pays traversés : jaune, orange, bleu clair, bleu turquoise et rose fuchsia. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo ©  Renault D.R. / Archives et Collections

Chiffres de production et prix

Selon les chiffres officiels de l'usine Alpine de Dieppe (tombée de chaîne mécanique), l'Alpine A 610 Turbo (Type D 503 05) a été construite à 818 exemplaires de 1990 à 1995 (avec 14 exemplaires seulement pour le dernier Millésime). Parmi l'ensemble de cette production, on trouve 67 voitures dotées d'une direction à droite destinées au marché britannique. La version limitée "Magny-Cours" ne concerne que 31 exemplaires numérotés produits en début d'année 1992. L'Alpine A 610 sera également produite en deux exemplaires d'une version spéciale "Albertville 92", hors commerce, spécialement réalisés pour les Jeux Olympiques d'hiver disputés en France cette années-là et dont Renault était partenaire officiel. Sur le marché de la GT sportive, Alpine a longtemps axé sa politique commerciale sur un prix un peu moins élevé que ses concurrents en proposant des performances inférieures elles aussi. Ainsi à sa sortie, l'A610 était vendue 395 000 Francs, soit environ 50 000 F de moins qu'une Porsche 911 Carrera 2, tandis que la "Magny-Cours" était vendue 433 100 Francs en 1992.

En six années, l'Alpine A 610 n'a été produite qu'à 818 exemplaires, contre 6 494 exemplaires pour sa devancière GTA V6 et V6 Turbo. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo ©  Renault D.R. / Archives et Collections

Retour au Mans

En 1994, seize ans après la victoire de Pironi et Jaussaud sur l’A 442B, une Alpine est de retour aux 24 Heures du Mans à l’initiative du préparateur manceau Patrick Legeay. L’Alpine A 610  engagée à titre privé dispose d’un châssis allégé produit dans l’usine de Dieppe. Legeay y a installé un V6 PRV de 3 Litres suralimenté par deux turbos Garrett T3 offrant une puissance de 430 ch à 6 400 tr/mn. 

Avec un poids réduit à 1 080 kg, l’Alpine A 610 Biturbo atteint la vitesse maxi de 320 km/h. La voiture alignée par l’équipe Legeay Sports Mécaniques est confiée à trois pilotes débutants au Mans : Benjamin Roy, Luc Galmard et Jean-Claude Police. Ils réaliseront une course très honorable en terminant 13e au classement général et 5e en catégorie GT2. Encouragé par ce résultat, Legeay revient dans la Sarthe l’année suivante, mais l’A 610 Biturbo ne parvient pas à se qualifier. Il faudra ensuite attendre 2013 pour revoir le nom d’Alpine au Mans avec l’A 450 à moteur Nissan alignée par Signatech (classée 16e en LMP2).

Alpine A 610 (Type D 503 05 de 1991)

• Moteur : PRV (type Z7X), 6 cylindres en V, longitudinal en porte à faux arrière

• Cylindrée : 2 975 cm3

• Alésage x course : 93 mm x 73 mm

• Puissance : 250 ch à 5 750 tr/mn

• Alimentation : injection électronique et turbo Garrett T3

• Allumage : gestion électronique Siemens Bendix

• Distribution : simple arbre à cames en tête par banc, 2 soupapes en tête par cylindre

• Transmission : Type UN1, aux roues arrière, boîte à 5 rapports + M.A.

• Pneumatiques : Michelin MXX, 205/45 ZR 16 (avant) et 245/45 ZR 16 (arrière)

• Freins disques ventilés Girling (diamètre 300 mm) sur les 4 roues

• Longueur : 441,5 cm

• Largeur : 176,2 cm

• Hauteur : 118,8 cm

• Empattement : 234 cm

• Voie avant : 150,4 cm

• Voie arrière : 147 cm

• Poids (à vide) : 1 420 kg

• Vitesse maximale : 265 km/h

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