Alpine V6 Turbo Europa Cup

Rédaction : Albert Lallement

La GTA entre en piste

Lancé en 1985, le championnat monotype Europa Cup constitue pendant quatre saisons le principal engagement en compétition de la dernière-née du constructeur de Dieppe, l’Alpine GTA.

Renault s’est régulièrement investi dans les Formules de promotion monotypes. L’idée, dès les débuts de la Coupe R8 Gordini en 1966, est de découvrir des nouveaux talents à travers des courses peu onéreuses. Au fil du temps, ces courses deviennent moins économiques, mais la règle reste la même : fournir aux concurrents un matériel équitable. En 1985, l’Alpine V6 Turbo succède à la Renault 5 Turbo dans la Coupe d’Europe Renault.

La plupart des manches de l’Europa Cup se disputaient en levée de rideau des Grands Prix de Formule 1 européens, comme ici à Spa-Francorchamps en Belgique. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Renault D.R.

C omme pour la précédente Coupe R5 Turbo, les manches de l’Alpine V6 Turbo Europa Cup se déroulent la plupart du temps sur les plus prestigieux circuits d’Europe en ouverture de certains Grands Prix de Formule 1. Cela représente une excellente visibilité pour les différents sponsors qui parrainent les concurrents, mais aussi pour le constructeur Renault lui-même qui dispose là d’une vitrine promotionnelle exceptionnelle lui permettant notamment de mettre en valeur les qualités de la dernière Alpine GTA.

Les courses de l’Europa Cup donnaient lieu à des bagarres homériques. En troisième position on distingue la voiture de Joël Gouhier, très souvent sur le podium, avec le soutien de Renault Chartres. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Renault D.R.

Lancement de la GTA

L’Alpine V6 GTA, qui est présentée au Salon de Genève en février 1985, est une voiture entièrement nouvelle qui tranche radicalement avec les précédente A 310 V6 et V6 GT. Cette dernière était devenue vieillissante malgré une ultime évolution sportive du V6 PRV de 2 664 cm3 de cylindrée apportée par Bernard Pierangeli, au sein du Centre Alpine de Boulogne. La GTA est une appellation générique qui regroupe les deux versions : l’une, la V6 GT atmosphérique dispose du V6 PRV de 2 849 cm3 développant 160 ch (235 km/h) et l’autre, la V6 Turbo est équipée du V6 de 2 458 m3 offrant 200 ch (250 km/h). La carrosserie des deux versions est très semblable, et les deux voitures se distinguent seulement par un marquage spécifique blanc et rouge «V6 Turbo» sur la vitre de custode et par leurs jantes (à ailettes pour la Turbo). La commercialisation de ces deux modèles ne débute qu’en automne 1985, six mois après la présentation, et pour le premier millésime, on note déjà un net avantage commercial pour la version Turbo, avec 805 exemplaires construits (plus douze de présérie) contre 434 pour la GT. Cet écart ira en grandissant et en fin de carrière, 6 494 Alpine GTA, toutes versions confondues, auront été assemblées sur le site de Dieppe, dont 1 509 GT.

Malgré le faible encombrement du V6 Turbo, le compartiment moteur restait exigu, ce qui entraînait des températures élevées dans l’habitacle. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Renault D.R.

Une production anticipée

Le cahier des charges de la nouvelle Alpine V6 Turbo ambitionne des prestations supérieures à celles de la Porsche 944, la référence du moment en matière de GT. Elle se doit d’être plus performante, mieux équipée et doit posséder un meilleur comportement, et ce, pour un coût moindre malgré une production inférieure. Afin que les concurrents qui participent au championnat Europa Cup de 1985 disposent de leur voiture suffisamment à l’avance, la version course de la V6 Turbo entre en production au troisième trimestre 1984, alors que le modèle de série commence à être construit au printemps suivant. La caisse est identique au modèle de série, mais elle est renforcée au niveau du berceau moteur et des barres antiroulis, tandis que des suspensions spéciales à amortisseurs réglables De Carbo sont installées. Côté mécanique, la V6 Turbo Europa Cup reçoit la dernière évolution du moteur PRV, qui provient de la Renault 25 V6 Turbo, auquel on a ajouté un calculateur d’injection Renix et un échangeur air-air.

La version Europa Cup est issue de l’Alpine V6 GT Turbo présentée au Salon de Genève en février 1985, conjointement à la version GT atmosphérique. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Renault / D.R.

Quatre saisons disputées

Le baptême de piste de l’Alpine V6 Turbo Europa Cup a lieu lors du coup d’envoi de la première saison qui se tient sur le circuit d’Imola le 5 mai 1985 en ouverture du Grand Prix de San Marin. Parmi les 26 engagés, on compte 6 pilotes français dont Joël Gouhier qui sera aux avant-postes tout au long de la saison et terminera 2e au championnat. Ce dernier sera d’une grande régularité durant les quatre saisons d’Europa Cup, terminant 3e en 1986, 4e en 1987 et 5e en 1988. Le Championnat de 1985 est remporté par l’Argentin Oscar Larrauri, avec 4 victoires sur 10 manches et 107 points. Pour le classement en fin de championnat, on prend en compte les meilleurs résultats de la saison, moins les deux plus mauvais et on y ajoute les points de la finale (qui a lieu à Vallelunga en 1985). L’attribution des points est de 15, 12, 10, 8, 6, 5, 4, 3, 2, 1 à chaque course, avec 1 point de bonus pour le meilleur tour. En 1986, le championnat est remporté par Massimo Sigala avec 3 victoires et 107 points. L’Italien remporte les deux titres suivants, avec respectivement 126 points et 6 victoires en 1987, ainsi que 113 points et 5 victoires en 1988. L’année suivante, l’Alpine V6 Turbo laisse la place à la Renault 21 Turbo.

Pour aller plus loin...

Un V6 historique

Le moteur installé dans l'Alpine GTA de 1985, atmosphérique ou Turbo, tout comme sur la version Europa Cup, est le V6 PRV. Ce bloc ouvert à 90°. Il est apparu chez le constructeur de Dieppe avec la seconde génération du modèle A 310 lancée en 1976, dans sa version type 112-730 de 2 664 cm3 issue de la Renault 30 TS. Toutefois, c'est en 1971 qu'il a été conçu grâce à une collaboration technique et industrielle entre Peugeot, Renault et Volvo, d'où son appellation. Prévu à l'origine en V8, sa taille est revue à la baisse avec la crise pétrolière, lui permettant paradoxalement de gagner en compacité et ainsi de pouvoir être installé dans toutes les positions possibles (longitudinale, transversale, centrale et porte-à-faux arrière). Ce qui, allié à une importante utilisation d'alliage pour sa fabrication, lui confère une grande légèreté appréciée pour les modèles sportifs et hauts de gamme. Produit à 970 315 exemplaires jusqu'en 1998, le PRV a subi de nombreuses évolutions et a équipé les modèles les plus prestigieux comme l'Alpine A 610, la MVS Venturi, ou la De Lorean. Il s'est également illustré en compétition chez des constructeurs tels que WM, avec lequel il a établi le record absolu de vitesse sur le circuit du Mans en 1988 : 405 km/h (Roger Dorchy sur WM P88) !

Le moteur V6 Turbo PRV, ici dans sa configuration Z7U de 2 458 cm3, dispose d'une puissance de 280 ch à 5 500 tr/mn pour un couple maxi de 34 mkg à 4 500 tr/min. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Renault D.R. / Archives et Collections

Les lauréats de l'Europa Cup

Deux pilotes ont remporté le Championnat "Europa Cup Renault Elf" au volant de l'Alpine V6 Turbo : l'Argentin Oscar Larrauri en 1985, puis l'Italien Massimo Sigala de 1986 à 1988. Le premier a été Champion d'Europe de F3 en 1982 avant de courir en Endurance sur des Porsche 956/962 de l'écurie suisse Brun Motorsport à partir de 1984. Parmi ses meilleurs résultats dans cette discipline, citons sa 2e place aux 24 Heures du Mans et aux 24 Heures de Daytona en 1987. Cette année-là, il termine 7e au Championnat du Monde, tout comme en 1989. Avec Eurobrun Racing, il a également couru en F1 en 1988 et 1989, sans succès. De plus, Larrauri a été Champion d'Amérique du Sud de Supertourisme en 1997, 1998 et 2000. Massimo Sigala débute sa carrière en 1976 avec la Coupe d'Europe R5 Alpine. Après ses trois titres d'affilée en Europa Cup avec l'Alpine GTA, il remporte la Coupe d'Europe Renault 21 Turbo en 1989 et 1990. En Endurance, il termine 2e place aux 24 Heures de Daytona de 1987 (avec Larrauri) ainsi que 3e aux 12 Heures de Sebring en 1991 et 1992 (avec Larrauri ).

Avec un total de 20 victoires à eux deux, Oscar Larrauri et Massimo Sigala ont dominé l'Europa Cup de 1985 à 1988. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Renault D.R. / Archives et Collections

Legeay Sports

Durant les quatre saisons (1985-1988) du Championnat Europa Cup, l'Alpine V6 Turbo est règlementairement l'unique modèle utilisé. La majorité d'entre elles sont préparées par Legeay Sports qui est incontestablement le spécialiste français de la préparation et de la maintenance de ces voitures à l'époque. Installé à Téloché, près du Mans, l'atelier créé en 1980 par Patrick Legeay, s'est fait une solide réputation au fil du temps dans le domaine des mécaniques Renault de course. Ses résultats en Coupe R5 Alpine, en Coupe d'Europe R5 Turbo, en Eurocup Clio, en Renault 21 Turbo Europa Cup et en Coupe de France Clio lui ont valu d'être l'un des principaux préparateurs agréés par Renault-Sports dans les années 1980 et 1990. En 1994, Legeay Sports aligne une Alpine A 610 Biturbo semi-officielle de 430 ch aux 24 Heures du Mans où il se classe honorablement 13e (5e en catégorie GT2). Après la disparition (temporaire) d'Alpine en 1995, Patrick Legeay se tourne vers la préparation de Renault Sport Spiders.

L'Alpine V6 Turbo Europa Cup a été produite à 69 exemplaires de 1984 à 1987. La plupart d'entre elles étaient préparées chez Legeay Sports au Mans. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Renault D.R. / Archives et Collections

Conçue pour la course

L'Alpine V6 Turbo, et sa déclinaison sportive pour l'Europa Cup, puisent leurs origines dans la grande expérience du constructeur de Dieppe en compétition. La plupart des composants de la carrosserie et du châssis sont en effet assemblés selon les techniques de construction utilisées en course et même dans l'industrie aérospatiale. Elles contribuent à offrir une légèreté et une robustesse exceptionnelles permettant d'assurer une fiabilité remarquable. La procédure de montage impose une vérification en détail à chaque phase de la construction de la voiture. L'aérodynamique de la carrosserie a été particulièrement étudiée, avec un SCx de 0,48, parmi les plus performants du moment au niveau mondial pour une voiture de (petite) série. L'habitacle offre une position de conduite optimale grâce à une disposition ergonomique exemplaire des différentes commandes et une instrumentation complète.

La position en porte-à-faux arrière du moteur permet d'obtenir un bon équilibre des masses (40% à l'avant et 60% à l'arrière) et un centre de gravité très bas. © IXO Collections SAS - Tous droits réservés. Crédits photo © Renault D.R. / Archives et Collections

Une version «Production»

En 1986, parallèlement au championnat Europa Cup, l'Alpine GTA participe au Championnat de France de Production. La voiture est une V6 GT (atmosphérique) engagée à l'initiative d'Alain Serpaggi, le pilote essayeur d'Alpine, soutenu par la firme indirectement, avec l'appui du Conseil Général de Seine-Maritime, de Elf et de la Direction commerciale de Renault. La modification de la voiture est confiée à l'ÉDAC (Études et Développement Automobiles de Compétition), une association composée d'anciens du service Course d'Alpine et de Renault-Sport. Celle du moteur PRV type Z6W de 2,5 Litres revient dans un premier temps à l'écurie SOMOCAR basée à Elbeuf près de Rouen, puis aux Frères Bozian, installés dans la région Lyonnaise, qui en tireront jusqu'à 340 ch, pour une vitesse de pointe de 235 km/h. Terminée tardivement, la GTA ne débute qu'à la deuxième manche de la saison à Lédenon et si elle présente un potentiel intéressant, Alain Serpaggi aura beaucoup de difficultés à concurrencer les puissantes R5 Turbo 2, BMW M5, Mercedes 190, Peugeot 505 Turbo et autres Audi 200 Quattro. Les meilleurs classements de Serpaggi pour cette saison seront 5e à Charade et 6e à Rouen et le projet ne sera pas reconduit pour 1987.