La Saga Lancia

Lorsque Vincenzo Lancia, le fondateur de la marque turinoise, disparait en 1937, la transition à la tête de l’entreprise familiale est assurée par son épouse Adèle qui maintient Lancia à flot malgré la perte de nombreux employés et installations durant le conflit mondial. Puis Arturo Lancia, un cousin de Vincenzo, lui succède en 1944. Ce dernier devient le mentor de Gianni Lancia, le fils de la famille, qui prend à son tour les rênes de Lancia en 1947, alors qu’il n’a que 23 ans. Le jeune ingénieur doit relever le défi de développer de nouveaux modèles avec des finances sérieusement grevées par les années de guerre. La paix revenue, il doit faire entrer l’entreprise dans l’ère industrielle.

Vincenzo Lancia décède quelques jours avant la sortie de la voiture qui est assurément son ultime chef-d’œuvre : l’Aprilia. Cette berline de prestige qui sera produite jusqu’en 1949 redéfinit la voiture telle qu’on la connait jusque-là, en adoptant une fois encore des techniques d’avant-garde. Elle dispose en effet d’une culasse avec chambres de combustion hémisphériques, d’une suspension à quatre roues indépendantes, d’une carrosserie aérodynamique porteuse, mais aussi de freins arrière montés en sortie de différentiel afin de réduire les masses non-suspendues. Tous ces concepts seront repris dans les productions en masse au cours des années 1950 et 1960. Vincenzo Lancia était vraiment en avance sur son temps de plusieurs décennies...

Dans les pas du père

Gianni Lancia entend poursuivre la même voie que son père en construisant des voitures d’exception haut de gamme. En 1948, il décide de remplacer le modèle Aprilia qui a fait le succès du constructeur de Turin durant plus d’une décennie. Les années 1950, celles de la reconstruction et de l’essor économique de l’Europe, débutent avec une voiture qui va devenir à son tour pionnière dans l’histoire de l’automobile internationale : l’Aurelia. Une fois de plus, Lancia va profondément marquer son époque, dans la plus pure tradition de la marque turinoise. Elle est en effet la première voiture au monde à monter un moteur V6 à 60° avec un embrayage intégré, une boîte de vitesses et un différentiel sur l’essieu arrière. Une autre caractéristique innovante est l’utilisation de l’aluminium pour une grande partie de la carrosserie. À partir de là, chaque nouveau modèle Lancia est attendu par les passionnés de la marque, mais aussi par ses concurrentes, comme l’ouverture vers de nouvelles technologies. Toutefois, la situation financière de Lancia à cette époque est délicate. La reprise économique se fait attendre et Lancia est bien impactée, car les fonds manquent pour lui permettre d’investir dans des moyens de production adaptés aux nouvelles exigences du marché.  

Innover pour survivre 

En 1951, l’entreprise qui se retrouve en grande difficulté, présente une demande à l’ECA (European Cooperation Administration). Elle est refusée, mais entre 1951 et 1953, Lancia bénéficie toutefois d’une aide de l’État italien, en obtenant des commandes pour la production de véhicules militaires et d’autobus. Le soutien du gouvernement s’explique par des raisons politiques, l’État considérant Lancia comme un bastion de l’industrie nationale, en particulier l’usine de Bolzano, qui emploie alors 2 500 personnes. Le résultat de cette aide économique s’appelle l’Appia, une petite voiture populaire qui sera produite pendant dix ans. Parallèlement, l’Aurelia se révèle une voiture de course puissante et maniable qui est de plus en plus adoptée par des  pilotes privés. Ingénieur passionné de course automobile, Gianni Lancia souhaite engager plus officiellement la marque en compétition et, en 1952, la «Scuderia Lancia» est créée. Il est épaulé par ses ingénieurs talentueux comme Vittorio Jano et Francesco De Virgilio qui, au travers du service Recherche et Développement de la marque, travaillent également sur les modèles à venir comme la Flaminia. Lancia s’illustre régulièrement dans les courses internationales, mais  son passage en Formule 1 est malheureusement un échec. L’aventure se solde par la disparition de l’écurie d’usine qui est revendue à Ferrari en 1955. Lancia, très endettée, doit abandonner la course tandis que l’entreprise est rachetée par l’industriel Carlo Pesenti qui dirige le groupe Italcementi.

Un nouveau contexte mondial

En arrivant à la direction de Lancia, Carlo Pesenti engage l’ingénieur Antonio Fessia comme directeur du Bureau d’études. Celui-ci est chargé de concevoir une voiture de gamme moyenne qui se situerait  entre le haut de gamme Flaminia lancée en 1957 et la petite berline populaire Appia datant de 1953. C’est ainsi que, sous ses directives, la Flavia voit le jour en 1960, puis la Fulvia de 1963 qui est à l’époque une référence en matière de style et de performance. Cette dernière permet également à Lancia de revenir en compétition à travers l’Écurie HF, la nouvelle branche sportive officielle de Lancia. Mais Carlo Pesenti se trouve bientôt dans l’incapacité d’investir les fonds nécessaires au développement de nouveaux modèles compétitifs technologiquement. Ainsi en 1969, Lancia est rachetée par le Groupe Fiat SpA. Le modèle qui relance la marque est la Lancia Beta de 1972 qui sera suivi par d’autres succès commerciaux comme la Gamma en 1976, la Delta en 1979 et plus récemment la Y10 en 1985. Intégrée à un vaste groupe multimarques, Lancia perd doucement son originalité d’antan, tout en essayant de garder l’image d’un constructeur évoquant l’élégance à l’italienne. La marque turinoise se retrouve ensuite dans la fusion Fiat-Chrysler-Daimler Benz en 1998, puis Fiat-Chrysler en 2014 pour ensuite faire partie de la nouvelle entité Stellantis en 2021. Aujourd’hui, Lancia a retrouvé son identité d’autrefois en se voyant confier l’une des branches haut de gamme du nouveau groupe.